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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 182

Le mardi 27 février 2024
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mardi 27 février 2024

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, il y a eu des consultations, et il a été convenu de permettre la présence d’un photographe dans la salle du Sénat pour photographier la présentation d’une nouvelle sénatrice aujourd’hui.

Êtes-vous d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Nouvelle sénatrice

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que le greffier du Sénat a reçu du registraire général du Canada le certificat établissant que Manuelle Oudar a été appelée au Sénat.

[Traduction]

Présentation

Son Honneur la Présidente informe le Sénat que la sénatrice attend à la porte pour être présentée.

L’honorable sénatrice suivante est présentée, puis remet les brefs de Sa Majesté l’appelant au Sénat. La sénatrice, en présence du greffier du Sénat, fait la déclaration solennelle et prend son siège.

L’honorable Manuelle Oudar, de Québec, au Québec, présentée par l’honorable Marc Gold, c.p., et l’honorable Clément Gignac.

[Français]

Son Honneur la Présidente informe le Sénat que l’honorable sénatrice susmentionnée a fait et signé la déclaration des qualifications exigées prescrite par la Loi constitutionnelle de 1867, en présence du greffier du Sénat, commissaire chargé de recevoir et d’attester cette déclaration.

(1410)

Félicitations à l’occasion de sa nomination

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Chers collègues, honorables sénateurs et sénatrices, je prends la parole aujourd’hui pour accueillir notre nouvelle collègue dans la Chambre rouge.

La sénatrice Manuelle Oudar représente la province de Québec. Elle est titulaire d’une licence et d’une maîtrise en droit de l’Université Laval. Membre du Barreau du Québec, de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés et de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec, elle est une avocate respectée et une défenseure de la justice qui a consacré toute sa carrière au service du public.

Pendant 30 ans, la sénatrice Oudar a occupé des postes de direction juridique au sein du ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, ainsi que du ministère de la Famille du Québec. Elle a occupé des postes de sous-ministre au ministère du Travail et au ministère de l’Éducation.

Au cours des huit dernières années, la sénatrice Oudar a été présidente-directrice générale de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). La commission a pour mission de promouvoir la gestion de la santé et de la sécurité dans les milieux de travail et de protéger les droits des travailleurs, tout en veillant au respect des lois et règlements applicables.

La sénatrice Oudar a partagé son expérience et son expertise avec des jeunes et a servi de mentore à de jeunes professionnels. Ses contributions et ses réalisations ont été reconnues lorsqu’elle a été nommée en 2017 parmi les 100 femmes les plus influentes au Canada par le Réseau des femmes exécutives (WXN) et qu’elle a reçu en 2023 le Prix Femmes de mérite de la Fondation Y des femmes de Montréal.

Nous avons en effet beaucoup de chance d’accueillir la sénatrice Oudar, qui possède une vaste expérience. Sénatrice Oudar, je me réjouis de travailler avec vous. Félicitations!

Des voix : Bravo!

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, au nom de l’opposition et du caucus conservateur du Sénat, j’ai le plaisir de prendre la parole aujourd’hui pour souhaiter la bienvenue à notre nouvelle collègue, la sénatrice Manuelle Oudar, de la division sénatoriale de La Salle, au Québec.

[Traduction]

Sénatrice Oudar, nous sommes enthousiastes à la perspective de collaborer avec vous alors que vous endossez votre nouveau rôle de sénatrice.

Chers collègues, en préparant la présente intervention, j’ai eu le plaisir de découvrir un lien intéressant entre la sénatrice Oudar et son prédécesseur, l’honorable Pierre-Hugues Boisvenu. Tous deux participent activement à la lutte contre la violence à l’égard des femmes. Le départ à la retraite récent du sénateur Boisvenu laisse de grandes responsabilités au Sénat dans ce dossier. Je suis rassurée de savoir que la sénatrice Oudar défendra cette cause très importante auprès de notre assemblée et sur la Colline du Parlement.

Avocate de renom qui s’est démarquée comme cheffe de file et militante pour la justice, la sénatrice Oudar a évolué pendant plus de trois décennies au sein de la fonction publique québécoise, servant sa communauté en contribuant à divers organismes et en participant à des programmes et à des initiatives de mentorat.

Sénatrice Oudar, je vous souhaite la bienvenue à la Chambre haute. Étant donné votre expérience et vos antécédents professionnels, je suis impatiente de connaître votre perspective à l’égard de diverses questions. En cette époque fort intéressante, il est crucial que nous fassions preuve de diligence raisonnable, car cela peut donner de l’espoir à nos concitoyens d’un bout à l’autre du Canada.

Soyez assurée que les membres du caucus conservateur sont impatients de collaborer avec vous pour faire valoir et défendre les intérêts des Canadiens et améliorer leur qualité de vie.

[Français]

Encore une fois, au nom de l’opposition et du caucus conservateur, je vous souhaite une chaleureuse bienvenue au Sénat du Canada et dans la famille du Sénat.

Des voix : Bravo!

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Honorables sénateurs, c’est avec une émotion particulière que j’accueille aujourd’hui une collègue du Québec, l’honorable Manuelle Oudar. Son parcours professionnel, en particulier au sein de la fonction publique québécoise, est impressionnant, tout comme ses engagements paraprofessionnels, qui seront de précieux atouts dans l’exercice de ses fonctions parlementaires.

Tout au long de sa carrière, la sénatrice Oudar a montré son sens de l’État et du service public. Que ce soit à la tête de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), qui est l’organisme réglementaire québécois responsable de la promotion des droits et des obligations en matière de travail, ou au sein des différents ministères où elle a œuvré, elle a su combiner les hautes exigences de la gouvernance avec celles de la qualité du service aux citoyens dans le respect de leurs droits, de leurs besoins et de leur dignité.

Elle a toujours respecté et fait la promotion de la justice sociale, notamment en ce qui a trait à la réduction des inégalités économiques et identitaires, à la lutte contre les violences faites aux femmes et à l’accès à un marché du travail le plus inclusif possible pour les jeunes. Sa sensibilité envers la nature évolutive du marché du travail a directement influencé plusieurs jeunes femmes, de futures leaders, qu’elle aura su guider à titre de mentore.

[Traduction]

La sénatrice Oudar est aussi une femme d’action. En 2020, alors qu’elle était présidente-directrice générale de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail du Québec, elle a réussi à faire traverser la plus grande crise sanitaire du début de ce siècle à cette organisation de plus de 5 000 employés.

Ayant à cœur d’aider le public, elle a été l’incarnation de l’importance du dialogue social, notamment en supervisant la création du tout premier guide pratique sur les normes du travail destiné au secteur québécois de la construction. Ce guide est devenu une pierre d’assise non seulement pour la protection des travailleurs, mais aussi pour le maintien de l’activité économique du secteur. Preuve de son succès, 26 guides évolutifs ont été produits en très peu de temps, ce qui a permis au Québec d’éviter la paralysie économique tout en protégeant ses travailleurs.

Sous la direction de la sénatrice Oudar, la commission s’est vu remettre le Prix des Nations unies pour la fonction publique en 2022.

Compte tenu de tout ce qu’elle a accompli, on peut affirmer que les valeurs, les compétences, l’expertise et les réalisations de la sénatrice Oudar, en plus de sa fine compréhension des responsabilités constitutionnelles qui incombent à nos institutions, seront des atouts inestimables dans sa carrière de parlementaire.

Je ne doute pas un instant que la transition de sa vie publique de la sphère exécutive à la sphère législative sera aussi fluide et couronnée de succès que sa carrière l’a été jusqu’à maintenant. Je peux en témoigner personnellement.

Sénatrice Oudar, au nom de tous les membres du Groupe des sénateurs indépendants, je vous félicite pour votre nomination. Nous sommes très heureux de vous avoir comme collègue.

[Français]

Bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Le sénateur Tannas : Au nom de mes collègues du Groupe des sénateurs canadiens, je souhaite la bienvenue à la sénatrice Oudar au Sénat à titre de 14e représentante de la division sénatoriale de La Salle. Mme Oudar a été une dirigeante remarquable au sein de la fonction publique et une avocate respectée en droit du travail au Québec.

Nous comptons parmi nous désormais 17 avocats et juristes au Sénat, dont les compétences vont du droit constitutionnel au droit des sociétés, en passant par le droit administratif, les droits de la personne et, maintenant, le droit du travail grâce à la sénatrice Oudar. Si le Sénat voulait un jour créer son propre cabinet d’avocats, celui-ci serait vraisemblablement l’un des plus remarquables du Canada, avec de nombreuses sommités dans une très vaste gamme de domaines d’expertise.

Sénatrice Oudar, votre expertise, qui manquait à notre cabinet, nous sera très utile. Je me réjouis à l’avance des contributions que vous apporterez à nos débats.

Au sein du Groupe des sénateurs canadiens, nous suivons de près le processus de nomination. Nous observons le nombre de postes vacants diminuer, tout comme on observe les secondes qui s’égrènent sur un tableau indicateur, et tendre vers le but ultime, soit que chaque région soit pleinement représentée au Sénat, sans qu’aucune province ne soit laissée pour compte. La situation est encourageante, et nous attendons avec impatience d’autres nominations.

(1420)

J’aimerais donner quelques conseils à la sénatrice Oudar, que nous accueillons aujourd’hui, ainsi qu’aux collègues qui sont arrivés parmi nous récemment.

Premièrement, vous connaissez ce sentiment d’admiration et d’émerveillement qu’on ressent la première fois qu’on entre dans cette enceinte? Accrochez-vous à ce sentiment aussi longtemps que possible, car il vous aidera pendant les longues séances. Siéger dans cette assemblée ne constitue pas seulement un privilège; c’est aussi une responsabilité.

Deuxièmement, gardez votre sang-froid. Les changements législatifs et politiques donnent lieu à un marathon, pas à un sprint. Toutes les bonnes choses prennent du temps. Notre système est conçu pour permettre un examen et un débat approfondis afin que les bonnes idées puissent être améliorées.

Troisièmement, trouvez du personnel compétent. S’entourer d’esprits brillants aide à atteindre ses objectifs. Le défi consiste à établir un équilibre entre l’expérience et la présentation de perspectives nouvelles avec un enthousiasme propre à la jeunesse.

Quatrièmement, ne négligez jamais le sommeil. Contrairement à ce que pourraient croire certaines personnes en dehors de cette assemblée, nous travaillons de très longues heures. Comme il arrive que les émotions soient vives, il est indispensable d’avoir l’esprit clair pour surmonter les nombreux obstacles politiques qui se dresseront devant nous. Une bonne nuit de sommeil est le remède parfait pour soulager un esprit embrouillé par les soucis.

Cinquièment, méfiez-vous toujours des vieux routiers du Sénat qui vous offrent des conseils non sollicités.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Tannas : Sénatrice Oudar, vos compétences et vos perspectives seront très utiles au Sénat. Les membres du Groupe des sénateurs canadiens ont hâte de travailler avec vous.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Pierre J. Dalphond : Chers collègues, à titre de nouveau représentant du Groupe progressiste du Sénat, c’est avec plaisir que je joins ma voix aux autres leaders afin de souhaiter la bienvenue à la sénatrice Manuelle Oudar. Qui plus est, pour cette première, j’accueille une collègue au parcours remarquable au sein de la fonction publique de ma province.

Juriste accomplie, elle a été gestionnaire des affaires juridiques au sein de divers ministères québécois, dont ceux de l’Emploi et de la Solidarité sociale, de la Famille, de l’Éducation, du Sport, du Loisir et du Plein air et de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Au Québec, nous aimons les ministères qui ont un long titre. Au fil des ans, elle a aussi montré des qualités de gestionnaire qui lui ont valu des postes comme celui de sous‑ministre adjointe aux réseaux au ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport et de sous-ministre au ministère du Travail.

En 2016, elle devient présidente du conseil d’administration et cheffe de la direction de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec, puis elle voit à sa fusion avec deux autres commissions, quand cette commission est devenue la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), une organisation qui regroupe pas moins de 5 000 personnes.

En 2022, la CNESST a d’ailleurs reçu un prix des Nations unies pour ses actions en faveur de l’égalité des sexes, de la justice économique, de l’équité sur le marché du travail, de l’autonomisation des femmes et de la réduction des inégalités et des écarts salariaux.

Il n’est donc pas surprenant que notre collègue ait reçu l’année dernière le Prix Femmes de mérite et Inspirationnelle de la Fondation Y des femmes de Montréal, secteur services publics. Je souligne aussi que notre collègue est une médiatrice accréditée, ce qui s’avérera probablement une qualité très utile quand viendra le temps de bâtir des consensus en comité.

Sur une note plus personnelle, elle est aussi cocheffe de direction d’une famille de sept enfants avec M. Pierre Reid, qui est parmi nous aujourd’hui et qui est également un juriste et haut fonctionnaire québécois.

[Traduction]

Bref, notre nouvelle collègue possède une vaste expérience dont nous serons tous à même de profiter très bientôt.

Bienvenue, sénatrice Oudar, dans votre nouveau chez-vous, la Chambre haute du Parlement. Vous y travaillerez pour le bien des Canadiens aux côtés d’éminents collègues qui représentent la riche diversité de notre pays.

[Français]

Bienvenue, madame.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Pierre Reid, conjoint de l’honorable sénatrice Oudar, de ses enfants Yarie Oudar Conte Reid et Samuel Reid, de ses parents Simone Pietri et Gérard Oudar, ainsi que de ses sœurs Elisabeth et Valérie. Ils sont accompagnés d’autres membres de la famille de l’honorable sénatrice Oudar.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L’Initiative BlackNorth

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, février est le Mois de l’histoire des Noirs.

En plus d’être le moment idéal pour souligner les contributions inestimables des Canadiens noirs à l’édification de notre pays, le mois de février est le moment ou jamais de réfléchir aux injustices sociales dont ils continuent de faire l’objet et au concept d’équité au Canada et à tout le travail qu’il reste à faire pour éliminer les inégalités.

L’égalité veut dire l’égalité des droits et l’égalité des chances pour tous. Par contre, c’est à l’équité que nous devrions tous aspirer. L’équité consiste à reconnaître que nous avons tous un vécu et une réalité différente et qu’il faut donner à chacun la possibilité d’obtenir des résultats égaux.

Parmi les organisations qui travaillent pour atteindre cet objectif, il y a l’Initiative BlackNorth. Lancée en 2020 sous l’impulsion de Wes Hall, l’Initiative BlackNorth guide et soutient les membres de la communauté noire partout au Canada. Cette initiative couronnée de succès reçoit des éloges de partout.

En trois ans à peine, BlackNorth a fait d’énormes avancées pour la communauté noire. Parmi ses réalisations, mentionnons : offrir du mentorat à des personnes noires de talent et collaborer avec plus de 400 entreprises dirigées par des Noirs de toutes les régions du pays; aider des familles noires du Grand Toronto à accéder à la propriété grâce à son programme Homeownership Bridge; faire circuler plus de 1 700 offres d’emploi par l’entremise de son programme BlackNorth Connect; recueillir des fonds pour aider les réfugiés africains de la région de Toronto; et offrir des bourses à de jeunes étudiants prometteurs.

BlackNorth a récemment lancé son réseau Black Entrepreneurship Growth and Innovation Network, un programme de soutien numérique qui offre aux entrepreneurs des services éducatifs et des programmes de mentorat pour développer leur entreprise.

BlackNorth, qui a vu le jour à Toronto, a pris de l’expansion en Alberta en ouvrant sa première nouvelle section en 2023. Des sections seront bientôt créées en Nouvelle-Écosse et au Québec, ce qui permettra d’accroître la présence de BlackNorth au Canada.

Étant donné que son conseil d’administration est composé de dirigeants d’entreprise, de médecins, d’universitaires, d’un ancien gouverneur général et de notre ancien collègue l’honorable Don Oliver, l’Initiative BlackNorth est destinée à connaître beaucoup plus de succès, à prendre beaucoup plus d’expansion et à avoir une incidence bien plus importante dans les années à venir. Cet organisme a pour but d’aider le plus grand nombre possible de Canadiens noirs à atteindre leurs objectifs et de rendre les entreprises canadiennes plus diversifiées et plus inclusives.

Honorables sénateurs, veuillez vous joindre à moi pour saluer le travail remarquable de l’Initiative BlackNorth et son engagement à soutenir les plus de 1,5 million de Canadiens noirs au pays. Il est important que nous appuyions et honorions des organismes aussi remarquables qui luttent pour l’égalité, l’équité et la justice.

Merci. Meegwetch.

Des voix : Bravo!

La Journée nationale de la jupe à rubans

L’honorable Judy A. White : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour dire que je suis heureuse que, cette année, nous ayons souligné la première Journée nationale de la jupe à rubans.

Le 4 janvier, nous célébrons maintenant cette importante journée grâce au dévouement et au travail acharné de mes collègues du Sénat et de la Chambre des communes, qui ont adopté le projet de loi S-219 à l’unanimité.

J’adresse à la sénatrice McCallum, marraine du projet de loi, mes remerciements les plus sincères pour son dévouement à faire du Canada un endroit accueillant pour toutes nos cultures.

Les jupes à rubans sont extrêmement importantes dans la vie des femmes autochtones de divers groupes et nations du Canada. Elles représentent la force et la résilience des femmes autochtones. La reconnaissance nationale de ce symbole autochtone de la féminité est un pas dans la bonne direction pour la réconciliation au Canada. Les femmes autochtones méritent de se sentir comprises et d’être comprises, et j’espère poursuivre les efforts en ce sens pendant mon mandat au Sénat.

Les jupes à rubans sont souvent offertes en cadeau. Elles sont fabriquées après une longue réflexion, qui passe par la prière, puis purifiées par la fumée dans le cadre d’une cérémonie célébrée par l’artisan. Elles sont offertes en cadeau pour exprimer une multitude d’émotions, comme la gratitude, les félicitations et l’amour.

Personnellement, j’ai l’honneur de posséder plusieurs jupes à rubans, qui m’ont été offertes pour diverses raisons, à différentes étapes de ma vie, et elles ont toutes leur propre histoire. Celle que je porte aujourd’hui vise à commémorer la force de nos grands‑mères — Nukumij, comme nous disons dans ma langue mi’kmaq — et a sa propre histoire. Elle a été fabriquée et m’a été donnée par l’une de mes cousines, qui, à l’époque, renforçait sa propre santé mentale. Elle trouvait du réconfort et de l’apaisement dans la fabrication de jupes à rubans. Elle était très fière de chaque point et priait, et lorsque je porte cette jupe, je sens la force de ses prières pour les grands-mères partout dans le monde.

(1430)

En 2018, la lieutenante-gouverneure de Terre-Neuve-et-Labrador de l’époque, Judy Foote, m’a invitée à sa cérémonie d’assermentation à l’assemblée législative de la province. Ce n’était pas une journée ordinaire, car c’était non seulement la première fois que je portais une jupe à rubans pour travailler, mais aussi la première fois que l’assemblée législative provinciale reconnaissait un territoire. C’était également la première fois qu’une cérémonie autochtone de l’eau avait lieu sur le parquet de l’assemblée. Une cérémonie de l’eau est expressément liée aux responsabilités des femmes et à leurs liens spirituels avec l’eau. C’était formidable de participer à une cérémonie qui soulignait le rôle et l’importance des femmes autochtones et de vivre cette cérémonie avec les députés provinciaux de Terre-Neuve-et-Labrador.

Les jupes à rubans sont désormais une manière de s’affirmer. Je suis heureuse de porter la mienne aujourd’hui. Un jour, j’espère fabriquer ma propre jupe à rubans avec mes petites-filles; toutefois, pour l’instant, je suis heureuse d’avoir l’occasion de vous faire part de ce que cette journée signifie pour moi et de la célébrer avec vous et tous les Canadiens.

Wela’lin, merci.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Erika Alexander et de Kwabeno Neale. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Housakos.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Lincoln Alexander, c.p., O.C., O.Ont.

L’honorable Leo Housakos : Honorables collègues, alors que la fin du Mois de l’histoire des Noirs approche, j’aimerais rendre hommage à un parlementaire canadien — un homme qui a ouvert la voie dans bien des domaines — pour son engagement à respecter les valeurs que nous chérissons tant et pour son service à la population de cette grande nation. Ancien officier de l’Aviation royale canadienne et avocat réputé ayant reçu le titre de conseiller de la reine, cet homme aux humbles origines était fils d’immigrants antillais qui ont été l’incarnation de l’honneur dans le travail acharné et la persévérance et qui lui ont transmis cette valeur.

En 1965, Lincoln Alexander a remporté la circonscription d’Hamilton-Ouest au nom du Parti conservateur, devenant ainsi le premier Canadien noir à occuper un siège au Parlement du Canada. On dit que c’est resté l’un des moments de sa vie où il a été le plus fier jusqu’à son décès, en 2012.

Dire qu’il a laissé une marque indélébile dans ce pays qu’il a tellement aimé serait un euphémisme. Il a été élu à une époque où il était évidemment difficile pour un Noir d’être élu ou, à ce compte-là, pour un représentant du Parti conservateur d’être élu dans une circonscription urbaine de l’Ontario. Il semblerait que le fait que le Parti conservateur était vu comme un parti pour les gens qui ne faisaient pas partie de l’establishment est en partie ce qui a attiré cet homme, que ses amis appelaient Linc.

M. Alexander a été réélu quatre fois, ce qui l’a amené à occuper son siège de parlementaire pendant 12 ans, y compris à titre de premier Canadien noir membre du Cabinet. Lors de son premier discours en tant que député, M. Alexander a souligné qu’il n’était pas le porte-parole des Noirs. Je le cite :

[...] on ne m’a pas fait cet honneur. Je m’en voudrais de donner à quiconque cette impression. Toutefois, le compte rendu doit faire ressortir que j’accepte la responsabilité de parler en leur nom et au nom de tous les autres membres de cette grande nation qui s’estiment victimes de préjugés touchant leur race, leurs croyances ou la couleur de leur peau.

Ce principe directeur allait guider Lincoln Alexander tout au long de la carrière et, bien sûr, toute sa vie. Il ne prétendait pas que la discrimination était inexistante au Canada. Il a certainement dû y faire face lui-même. Toutefois, il a aussi dit que le Canada, dans son imperfection, était toujours le meilleur pays où des gens de tous les horizons et de toutes les origines peuvent vivre et prospérer.

En 1985, M. Alexander est devenu le premier Canadien noir à occuper un poste vice-royal lorsqu’il a été nommé lieutenant‑gouverneur de l’Ontario par le très honorable Brian Mulroney. En tant que lieutenant-gouverneur, il a joué un rôle actif dans les affaires multiculturelles, la lutte contre le racisme et la défense des intérêts des jeunes et des aînés. Puis, il a occupé pendant cinq mandats — une durée sans précédent — les fonctions de chancelier de l’Université de Guelph. C’est notre collègue la sénatrice Wallin qui lui a succédé. Par la suite, M. Alexander a présidé le conseil d’administration de la Fondation canadienne des relations raciales.

Lincoln Alexander était connu pour son jugement sûr, sa compassion et son humanité, mais le mot que j’entends le plus quand il est question de lui est peut-être « intégrité ». L’héritage de Lincoln Alexander est préservé dans les mémoires qu’il a publiées et grâce aux nombreuses écoles, à la Faculté de droit et même la route qui portent son nom. N’oublions pas non plus la Journée Lincoln Alexander, qui est célébrée le 21 janvier de chaque année, partout au Canada. Surtout, son héritage se perpétue dans sa famille, et certains membres de sa famille nous font le privilège d’être parmi nous aujourd’hui. J’espère, chers collègues, que vous prendrez tous le temps de venir au troisième étage, entre 15 h 30 et 17 h 30, pour saluer les dignes descendants de Lincoln Alexander. Je vous remercie.

[Français]

L’honorable juge Corrine Sparks

L’honorable Sharon Burey :  : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à une grande Canadienne, la juge Corrine Sparks, une pionnière et un modèle de courage qui a brisé des barrières, une leader au service des autres, une éducatrice juridique et une mentore.

[Traduction]

La nomination historique de la juge Sparks au Tribunal de la famille de la Nouvelle-Écosse en 1987 a été marquante pour la représentation des Noirs au sein du système juridique du Canada, et c’était une de ses nombreuses premières. Elle a été la première de sa famille à aller à l’université, la première personne noire nommée à la magistrature en Nouvelle-Écosse et la première femme noire nommée à la magistrature au Canada. Elle a aussi été cofondatrice du premier cabinet d’avocats entièrement composé de femmes en Nouvelle-Écosse. Ce fut le début d’une épopée juridique qui allait changer le cours de l’histoire juridique du Canada : l’affaire R. c. S. (R.D.) de 1995.

Son histoire débute à Lake Loon, une petite collectivité rurale ségréguée de la Nouvelle-Écosse. Elle se heurte rapidement aux obstacles posés par un système d’éducation sous-financé et ségrégué. Malgré ces obstacles, la juge Sparks persévère et obtient un diplôme en économie de l’Université Mount Saint Vincent, puis un baccalauréat en droit, suivi en 2001 d’une maîtrise en droit, de l’Université Dalhousie.

Elle a fait partie du Groupe de travail sur l’égalité des sexes de l’Association du Barreau canadien, et a reçu le prix Weldon de l’altruisme dans la fonction publique en 2020. Elle a joué un rôle central dans le lancement d’un programme de mentorat à l’Université Dalhousie visant à aider les avocats autochtones et d’origine africaine de la province à présenter leur candidature pour devenir juges. Elle donne des conférences partout dans le monde et enseigne à l’Institut de formation des juges du Commonwealth.

La juge Sparks a elle-même très bien exprimé l’essence de sa philosophie de juge :

Vous avez affaire à des êtres humains. Pour être efficace un juge doit, chaque jour, faire appel à un grand nombre de capacités. Il doit connaître le droit et être capable de compassion et d’empathie […]

Son engagement à trouver l’équilibre entre l’expertise juridique, une grande compréhension du leadership engagé et le contexte social de la loi a défini sa carrière et en a fait une figure respectée du milieu juridique.

Elle a pris sa retraite de la magistrature après 34 années au service des autres. Toutefois, elle poursuit son travail comme commissaire au sein de la Land Titles Initiative de la Nouvelle‑Écosse, en se prononçant sur des revendications territoriales pour les titres de propriété sur les terres de cinq communautés néo‑écossaises d’origine africaine.

En conclusion, chers collègues, même si je prends la parole pendant le Mois de l’histoire des Noirs pour souligner les réalisations de la juge Corrine Sparks, il faut comprendre qu’il s’agit de l’histoire du Canada, que nous partageons notre passé les uns avec les autres et que nous pouvons devenir ce dont nous rêvons : une société réellement équitable et inclusive.

Merci, meegwetch.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Brenda Read et de Jeraldine Marshall, des femmes et leaders autochtones qui travaillent au sein de la Nuu-chah-nulth Community Futures Development Corporation. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice McPhedran.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le Mois de l’histoire des Noirs

L’honorable Mary Coyle : Honorables collègues, je prends la parole aujourd’hui à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs. Hier soir, la communauté d’Ottawa et des parlementaires ont participé à un événement organisé par le Président de la Chambre des communes, Greg Fergus, et le Caucus des parlementaires noirs, événement où José Aggrey et moi étions les maîtres de cérémonie. Nous étions réunis pour célébrer la vie et l’héritage du Dr Howard McCurdy, ancien député, ainsi que le lancement de son autobiographie éditée par le Néo-Écossais George Elliott Clarke, ancien employé du député McCurdy et ancien poète officiel du Parlement.

Dans la préface du livre, le Dr Clarke dit ceci :

Howard McCurdy était un homme fantastique. Il a été :

Le premier Canadien noir à obtenir un poste de professeur titulaire

L’homme auquel le Parti néo-démocrate doit son nom

Le fondateur du Guardian Club de Windsor, un club antiségrégationniste

L’un des fondateurs de l’Association canadienne des libertés civiles

Le fondateur de La ligue nationale des Noirs du Canada

Le deuxième député fédéral noir

Et le deuxième Afro-Canadien à participer à la course à la direction d’un parti national.

(1440)

Hier soir, nous avons entendu le Président Fergus, le chef du NPD Jagmeet Singh, les députés Matthew Green et Irek Kusmierczyk, Mme McCurdy et George Elliott Clarke lui-même.

Le député McCurdy a été décrit comme un modèle, un enseignant attentif et exigeant, un scientifique, un homme qui a fait tomber les barrières dans son pays et lutté contre l’apartheid en Afrique du Sud — un leader qui a ouvert la voie du triomphe pour les autres.

Dans l’épilogue de son ouvrage, le député McCurdy déclare :

Mon engagement politique avait pour objectif la réalisation de la justice sociale et économique et l’égalité pour tous — indépendamment de la race, de l’origine ethnique, du sexe, de l’orientation sexuelle ou des croyances religieuses. Je crois que la politique sous toutes ses formes — la politique législative et la société civile — est une quête transcendante, civilisatrice et porteuse de justice.

De nos jours, le Canada considère la diversité comme une force. Même notre Constitution définit le Canada comme une nation multiculturelle. Mais l’ancien « Dominion » n’est pas encore une utopie.

George Elliott Clarke conclut la préface de l’ouvrage en parlant du décès de son mentor en 2018 :

Je n’ai pas été le seul à reconnaître qu’un géant était tombé, qu’une bibliothèque avait été incendiée. Un trio de premiers ministres — Brian Mulroney, Joe Clark et Paul Martin — a chanté les louanges d’Howard dans la nécrologie officielle du Globe.

Étudiez la vie d’Howard McCurdy et vous saurez pourquoi même ces potentats ont dû se tenir en admiration devant ce dignitaire noir, radical et singulier — comme des porteurs de cercueils honorifiques.

Honorables sénateurs, joignons-nous à ces trois premiers ministres et aux personnalités réunies hier soir pour célébrer la vie et l’héritage durable de Howard D. McCurdy, notre collègue parlementaire et un remarquable pionnier.

Merci, wela’lioq.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Régie interne, budgets et administration

Dépôt du onzième rapport du comité

L’honorable Lucie Moncion : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le onzième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration intitulé États financiers du Sénat du Canada pour l’exercice terminé le 31 mars 2023.

[Traduction]

Le Groupe interparlementaire Canada-Japon

La réunion bilatérale annuelle avec la Ligue d’amitié des parlementaires Japon-Canada, tenue du 27 au 30 août 2023—Dépôt du rapport

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada-Japon concernant la 21e réunion bilatérale du Groupe interparlementaire Canada-Japon et de la Ligue d’amitié des parlementaires Japon-Canada, tenue à Ottawa, en Ontario, au Canada, du 27 au 30 août 2023.

L’Association législative Canada-Chine
Le Groupe interparlementaire Canada-Japon

L’assemblée générale de l’Assemblée interparlementaire de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, tenue du 6 au 10 août 2023—Dépôt du rapport

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association législative Canada-Chine et du Groupe interparlementaire Canada-Japon concernant la 44e assemblée générale de l’Assemblée interparlementaire de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, tenue à Jakarta, en Indonésie, du 6 au 10 août 2023.

Pêches et océans

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur l’étude des populations de phoques et à déposer son rapport auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Bev Busson : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le mardi 7 novembre 2023, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans concernant son étude sur les populations de phoques au Canada soit reportée du 31 mars 2024 au 30 juin 2024;

Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat son rapport portant sur cette étude, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Le courage, la bravoure et le sacrifice d’Alexeï Navalny

Préavis d’interpellation

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :

J’attirerai l’attention du Sénat sur le courage, la bravoure et le sacrifice d’Alexeï Navalny et des autres prisonniers politiques persécutés par la Russie de Poutine.


PÉRIODE DES QUESTIONS

La sécurité publique

L’Agence des services frontaliers du Canada

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, hier, le président du Syndicat des douanes et de l’immigration a témoigné devant un comité des Communes au sujet des vols de voiture au port de Montréal. M. Mark Weber a dit au comité que les agents des douanes disposent de seulement six places de stationnement pour mettre les voitures volées qu’ils trouvent. Une fois qu’ils ont trouvé six véhicules volés, ils doivent attendre des jours pour que les véhicules soient déplacés avant de continuer leurs inspections.

L’unique appareil à rayons X du port de Montréal est brisé. Celui qui est utilisé en ce moment a été emprunté à Windsor, et c’est donc Windsor qui n’en a pas maintenant. Il a aussi dit que l’Agence des services frontaliers du Canada, l’ASFC, affecte huit inspecteurs au port de Montréal pour vérifier 580 000 conteneurs par année.

Monsieur le leader, au lieu de gaspiller 60 millions de dollars pour l’application « ArnaqueCAN », pourquoi ne pas avoir utilisé cet argent pour faire échec au crime?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour votre question. Comme je l’ai dit ici même il y a quelques semaines, le gouvernement du Canada a réuni toutes les parties prenantes pour aborder l’épineuse question de la forte hausse du nombre de vols de voiture au Canada. Je ne reviendrai pas sur toutes les mesures qui ont été prises ou envisagées, et je ne rappellerai pas aux sénateurs que le gouvernement continue d’investir dans les ressources humaines nécessaires pour lutter contre ce problème.

Le port de Montréal est un port important et, malheureusement, exposé à toutes sortes d’activités illégales. Le gouvernement fera tout en son pouvoir, dans la limite de ses compétences, avec ses partenaires provinciaux chargés de l’administration de la justice pour régler ce grave problème.

Le sénateur Plett : Les 60 millions de dollars que le gouvernement Trudeau a gaspillés pour l’application « ArnaqueCAN » représentent plus du double de l’enveloppe de 28 millions de dollars promise lors du récent sommet pour lutter contre le vol d’automobiles. Il y a trois semaines, le premier ministre a déclaré qu’il envisage d’alourdir les sanctions imposées à quiconque participe à des vols d’automobiles.

Monsieur le leader, pendant combien de temps le premier ministre envisagera-t-il de faire des changements? Le gouvernement Trudeau appuiera-t-il le projet de loi d’initiative parlementaire présenté par le député conservateur Randy Hoback, qui vise à durcir les peines imposées aux voleurs de voitures récidivistes? Oui ou non?

Le sénateur Gold : Je ne suis pas en mesure de faire des commentaires sur la position gouvernement à l’égard de ce projet de loi d’initiative parlementaire, mais je peux néanmoins répéter que le gouvernement se penche sérieusement sur la question et qu’il continuera de le faire.

Les affaires mondiales

Le Corps des Gardiens de la révolution islamique

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, selon un article paru récemment dans le Hill, le Canada n’a pas la volonté politique de lutter contre le crime organisé transnational et d’autres influences étrangères. Citant un rapport de l’International Coalition Against Illicit Economies, une organisation non gouvernementale dont le siège est à Washington et qui s’intéresse à la sécurité nationale, l’article décrit le Canada comme une « zone sûre » et un « paradis du blanchiment d’argent » pour les groupes terroristes et leurs réseaux criminels.

Le rapport soulève des préoccupations particulières au sujet du Canada, plaque tournante de la criminalité où des intermédiaires soutenus par l’Iran financent des activités terroristes au Moyen‑Orient et ailleurs dans le monde, et il souligne les liens entre l’Iran, la Russie et Pékin.

Nos alliés en ont assez eux aussi, sénateur Gold. À vrai dire, j’en ai marre également. Je pose cette question depuis des années. Que faudra-t-il pour que le gouvernement prenne cette question au sérieux? Ne me dites pas que le gouvernement prend cela au sérieux, car vous n’avez même pas encore fait le strict minimum, qui serait d’inscrire le Corps des gardiens de la révolution islamique, ou CGRI, sur la liste des groupes terroristes. Pourriez‑vous enfin inscrire le CGRI sur la liste des groupes terroristes, conformément à la volonté du Parlement et de la population canadienne?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Le Canada est doté d’un régime de sanctions rigoureux qui vise non seulement de nombreuses personnes et entités associées au gouvernement de l’Iran, mais aussi d’autres pays où des acteurs et, dans certains cas, des institutions ont pris des mesures qui vont à l’encontre de notre intérêt national. Ce régime demeurera robuste. On évalue et réévalue constamment toutes les mesures supplémentaires qui pourraient s’avérer utiles.

Le sénateur Housakos : C’est le même charabia que j’entends depuis des années. Sénateur Gold, le Corps des Gardiens de la révolution islamique a abattu le vol 752 d’Ukraine International Airlines en 2020, tuant toutes les personnes à bord, dont 55 citoyens canadiens et 30 résidents permanents. Des hauts dirigeants du Corps des Gardiens de la révolution islamique parcourent le Canada, ils s’entraînent dans des salles de sport et ils donnent des conférences dans des universités canadiennes.

(1450)

Comment pensez-vous que les Canadiens d’origine iranienne se sentent à cet égard? Ils sont venus ici pour échapper à un régime tyrannique. Comment pensez-vous que les familles des victimes du vol PS752 se sentent? Que leur direz-vous, sénateur Gold? Elles ne croient pas que le gouvernement en fasse assez pour gérer cette crise.

Le sénateur Gold : Je suis convaincu de parler au nom de tous les sénateurs en disant que nos pensées vont aux victimes de ce tragique attentat aérien, ainsi qu’à leurs familles et à tous ceux qui subissent l’intimidation de gouvernements étrangers cherchant à s’immiscer dans leur vie au Canada.

Les transports

La sécurité aérienne

L’honorable Donna Dasko : Ma question s’adresse au sénateur Gold.

Le 7 décembre 2023, le Globe and Mail a publié des détails sur la version préliminaire d’un rapport de l’Organisation de l’aviation civile internationale, qui est un organisme des Nations unies. Le rapport souligne de graves manquements de la part de Transports Canada en ce qui concerne la surveillance de la sécurité du système d’aviation civile de notre pays. La vérification a révélé une dégringolade de la note globale du Canada, qui est passée de 95 en 2005 à 64. Par conséquent, le classement du Canada se compare à celui de pays en développement.

L’Organisation de l’aviation civile internationale a évalué le régime de sécurité du pays selon des centaines de critères relevant de huit domaines, et le Canada s’est classé sous la moyenne mondiale dans six des huit catégories.

Quelle est la réponse du gouvernement à ce rapport? Quelles mesures précises le ministère des Transports prévoit-il prendre pour cibler les graves lacunes soulevées dans le rapport et améliorer les normes de sécurité de l’industrie aérienne du Canada?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice.

Je tiens à être clair : même si Transports Canada a la certitude que le système d’aviation du pays est sécuritaire, le ministère se réjouit de l’occasion d’améliorer davantage ses processus et son cadre pour mieux s’arrimer aux normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale et aux pratiques recommandées.

Cela dit, il importe de se rappeler que le Canada est un pays unique, surtout en matière d’aviation. De nombreuses collectivités éloignées et nordiques comptent beaucoup sur les aéroports locaux et régionaux. Les services aériens sont littéralement vitaux pour ce qui est des transports, des services d’urgence et de l’approvisionnement en nourriture et en eau. Par conséquent, le cadre réglementaire du Canada a été mis au point selon la réalité de notre pays; bien qu’il soit très sécuritaire, il ne concorde pas toujours parfaitement avec les normes mondiales de l’Organisation de l’aviation civile internationale.

La sénatrice Dasko : Sénateur Gold, ce que j’aimerais savoir, c’est quelle est la réaction du gouvernement au rapport de l’Organisation de l’aviation civile internationale et si ce rapport incitera le gouvernement à prendre des mesures particulières, plus précisément en réponse à ce qui a été dit. L’Organisation de l’aviation civile internationale a donné une note au Canada. Notre note est passée de ce qu’elle était à ce qu’elle est maintenant, quelque chose a donc changé dans notre système. Je vous remercie.

Le sénateur Gold : Je vous remercie pour votre question. À ma connaissance, Transports Canada réalise un nouvel audit en la matière dans le cadre des efforts constants déployés pour améliorer les choses et mieux respecter les normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale. Je crois comprendre que cet audit sera mené en 2025.

Les finances

La prestation canadienne pour les personnes handicapées

L’honorable Mary Coyle : Sénateur Gold, dans le discours du Trône de 2020, on a promis d’établir une prestation canadienne pour les personnes en situation de handicap, et une mesure législative à cette fin, le projet de loi C-22, a reçu la sanction royale en juin dernier. J’en ai d’ailleurs débattu en deuxième et en troisième lectures.

Les organismes canadiens de défense des droits des personnes handicapées, tels que Handicap sans pauvreté, réclament que le gouvernement fédéral alloue des fonds considérables à cette prestation dans le prochain budget.

Sénateur Gold, pouvons-nous nous attendre à voir une telle chose dans le prochain budget fédéral?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénatrice, et de vos efforts soutenus pour défendre cette importante cause.

Malheureusement, je ne peux pas vraiment répondre à votre question, car je ne peux pas conjecturer sur le contenu du budget. Nous attendons avec impatience sa publication. À ce moment, je serai heureux de répondre à toute question complémentaire.

La sénatrice Coyle : Je suis consciente que vous ne pouvez pas répondre à ma question, mais je vais la poser quand même.

Sénateur Gold, étant donné que cette prestation est attendue depuis longtemps, qu’elle a fait l’objet d’une longue période de consultation et qu’elle répondrait à un besoin urgent, les Canadiens qui en ont désespérément besoin pour vivre leur vie avec dignité pourront-ils assurément y accéder d’ici l’été, d’ici l’Action de grâces ou du moins d’ici la fin de l’année?

Le sénateur Gold : Merci. Encore une fois, vous avez raison. Je n’ai pas de mise à jour à vous communiquer concernant la date de déploiement. Cela dit, je tiens à vous assurer que le renforcement de la sécurité financière des Canadiens vivant avec un handicap et l’élimination des obstacles à l’accès demeurent prioritaires pour le gouvernement. D’ailleurs, il s’agit de piliers d’action du tout premier Plan d’action pour l’inclusion des personnes en situation de handicap du Canada, ainsi que de la Loi canadienne sur l’accessibilité. Le gouvernement tient à bien faire les choses.

La santé

L’élaboration des politiques

L’honorable Flordeliz (Gigi) Osler : Sénateur Gold, depuis 1995, le gouvernement du Canada utilise l’analyse comparative entre les sexes plus pour évaluer comment réagissent les femmes, les hommes et les personnes de diverses identités de genre aux politiques, programmes et initiatives mis en place. Cette analyse sert ensuite à l’élaboration de politiques, programmes et mesures législatives.

La santé est fonction d’un large éventail de déterminants personnels, sociaux, économiques et environnementaux. Le gouvernement a-t-il déjà envisagé d’utiliser une optique particulière ou un outil similaire à l’analyse comparative entre les sexes plus pour élaborer des politiques, des programmes et des mesures législatives en matière de santé?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question, madame la sénatrice.

On m’a informé que le Conseil du Trésor utilise ce que l’on appelle le Cadre de qualité de vie pour le Canada, qui réunit des ensembles de données économiques, sociales et environnementales clés, pour mesurer la qualité de vie des Canadiens et contribuer à la budgétisation et à la prise de décision fondées sur des données probantes au niveau fédéral. Plus précisément, le Cadre de la qualité de vie pour le Canada se compose d’un ensemble de 84 indicateurs, répartis en divers domaines, dont la santé, la société, la prospérité, l’environnement et la bonne gouvernance.

C’est dans cette optique que le Conseil du Trésor évalue les politiques et les décisions qui relèvent de sa compétence.

La sénatrice Osler : La santé est complexe et on a dit de la crise des soins de santé qu’elle représentait un problème complexe, parce qu’elle implique de nombreuses interdépendances et de nombreuses causes et qu’il n’existe pas de solution unique évidente. Si je me réjouis que le gouvernement fédéral ait signé des ententes bilatérales en matière de santé avec sept provinces et territoires, je crains que, une fois que toutes les ententes auront été signées, le gouvernement fédéral se dise que le travail est terminé et s’assoie sur ses lauriers. Or, à lui seul, le financement ne réglera pas les problèmes du système de santé désuet du Canada.

En plus des ententes de financement, quels sont la vision et le plan à long terme du gouvernement fédéral en matière de santé?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question.

La question de l’argent importe. Plus de 200 milliards de dollars sur 10 ans sont investis pour soutenir le plan Travailler ensemble pour améliorer les soins de santé pour les Canadiens. Ce plan prévoit une collaboration avec les provinces et les territoires sur quatre priorités : élargir l’accès à des services de santé familiale; soutenir les travailleurs de la santé et réduire les retards; accroître l’accès à des soins de qualité en matière de santé mentale, de traitement de la toxicomanie et de lutte contre les dépendances et moderniser les systèmes de santé.

La justice

Le projet de loi sur les préjudices en ligne

L’honorable Andrew Cardozo : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat et porte sur le projet de loi C-63, Loi sur les préjudices en ligne.

J’ai récemment rencontré des membres de la communauté juive canadienne, et l’une de leurs principales préoccupations était la haine en ligne, qui a augmenté de façon exponentielle au cours des derniers mois. En effet, la haine, les menaces et l’intimidation en ligne ont explosé, et elles touchent de nombreux groupes. Pourtant, d’autres personnes affirment que la liberté d’expression doit être primordiale.

Sénateur Gold, pouvez-vous nous dire comment ce projet de loi établira un juste équilibre entre la lutte contre ce fléau de la haine et de l’intimidation, d’une part, et la liberté d’expression, d’autre part?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.

Le projet de loi qui vient d’être déposé sera étudié sérieusement à l’autre endroit et ici. Ces questions seront au cœur d’une partie de cette étude.

Les lois canadiennes ont toujours cherché à établir un équilibre entre la protection contre les préjudices, comme les discours ou les actes haineux, et la liberté de réunion ou d’expression. Ces équilibres ont été contestés et examinés par les tribunaux. Je fais confiance au Parlement pour trouver le juste milieu entre ces valeurs sociales contradictoires, et je suis convaincu que l’étude du projet de loi C-63 s’intéressera à ces questions. Toute amélioration, si nécessaire, sera examinée pendant l’étude, j’en suis sûr.

Le sénateur Cardozo : Sénateur Gold, la mère d’Amanda Todd, Mme Carol Todd, a dit hier que si un tel projet de loi avait été en vigueur du vivant de sa fille, il aurait pu lui sauver la vie.

Quels sont les principaux aspects du projet de loi qui traitent du terrible problème de la « sextorsion »?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question.

Je ne suis pas vraiment en mesure de donner des précisions sur le projet de loi. Franchement, je n’en sais pas plus que vous, ou que la plupart d’entre nous en lisant son contenu. Au cours des jours, des semaines et des mois à venir, nous aurons l’occasion d’examiner la question en profondeur. Je suis impatient de le faire, comme plusieurs d’entre vous, j’en suis sûr.

(1500)

[Français]

La sécurité publique

L’application ArriveCAN

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement. Hier, je vous ai posé des questions sur la compagnie DALIAN, qui est composée de deux personnes et qui s’est qualifiée pour la stratégie de contrats gouvernementaux autochtones. On a appris également que cette entreprise de deux personnes a reçu pas moins de 95,5 millions de dollars en contrats en sept ans seulement. Lorsqu’on demande au président d’expliquer ce que fait son entreprise, on dit qu’il a beaucoup de difficulté à le faire.

Monsieur le leader, vous êtes représentant du gouvernement; c’est vous qui attribuez les contrats. Que fait cette entreprise avec les contrats du gouvernement?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : J’ai peut-être beaucoup de pouvoir, mais celui d’accorder les contrats n’en fait pas partie. DALIAN Enterprises est l’une des compagnies avec lesquelles tous les contrats ont été suspendus en raison des questions qui se posaient et qui continuent de se poser. Encore une fois, une enquête est en cours et on attend avec intérêt les résultats de celle-ci.

Le sénateur Carignan : On a appris avec GC Strategies que cette compagnie avait participé à l’élaboration de l’appel d’offres pour obtenir le contrat ayant trait à ArriveCAN. On a appris aujourd’hui que la compagnie DALIAN avait, elle aussi, contribué à l’élaboration de la politique sur les services d’approvisionnement autochtones — une politique qu’elle applique ou qu’elle essaie elle‑même de contourner. Qu’est-ce qui se passe au sein de votre gouvernement? Il n’y a pas de compétence dans la fonction publique pour rédiger des documents d’appels d’offres ou établir des politiques?

Le sénateur Gold : La position du gouvernement est que notre service public est à la hauteur de nos attentes. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas des choses qui ont été mal faites, et il y a probablement des processus qui peuvent être améliorés. Mon temps de parole est écoulé. J’ai toujours confiance en la fonction publique en général.

[Traduction]

Les services publics et l’approvisionnement

Le processus d’acquisition

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader, on a appris il y a un an que l’administration des programmes du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes avait été confiée à Accenture. Depuis, le gouvernement Trudeau a fourni des renseignements erronés au sujet de ces contrats secrets. Il avait affirmé, au départ, que les contrats s’élevaient à 61 millions de dollars, mais ce chiffre était incorrect : la valeur des contrats était plutôt de 208 millions de dollars.

Le gouvernement Trudeau a affirmé, au départ, que la plupart des employés d’Accenture qui s’occupaient du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes étaient établis au Canada, et que quatre employés seulement étaient aux États-Unis. C’était incorrect. Il reconnaît maintenant que 46 personnes travaillent au Brésil, dans une filiale d’Accenture.

Monsieur le leader, le gouvernement Trudeau prétend actuellement que les employés travaillant au Brésil n’auront pas accès aux données financières de petites entreprises canadiennes. Pourquoi les Canadiens devraient-ils croire que cette affirmation est exacte, étant donné vos antécédents?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. J’ai déjà répondu de mon mieux aux questions posées à ce sujet l’autre jour et je n’ai rien à ajouter.

Il est important que le travail accompli par les entreprises canadiennes soit bien fait — quels que soient les autres intervenants qu’elles pourraient employer dans le contexte actuel de mondialisation croissante du travail —, et il est aussi important que les données personnelles des Canadiens et les droits liés à leurs données soient pleinement protégés. Le gouvernement s’attend à ce qu’il en soit ainsi pour chacun des contrats qu’il accorde.

La sénatrice Martin : S’il y avait eu une surveillance adéquate des contrats, les Canadiens auraient des informations exactes et fiables sur la manière dont les 208 millions de dollars ont été dépensés.

Le gouvernement Trudeau prétend maintenant que seuls les employés d’Exportation et développement Canada et d’Accenture traitent les données des petites entreprises canadiennes. Monsieur le leader, pouvez-vous confirmer que tous les employés qui traitent ces renseignements sensibles ont obtenu une habilitation de sécurité?

Le sénateur Gold : Je ne suis certainement pas en position de confirmer cela. Je n’ai pas d’informations sur le sujet, mais je me renseignerai auprès du ministre compétent.

Les affaires mondiales

Les relations Canada-Russie

L’honorable Stan Kutcher : Sénateur Gold, après l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie en février 2022, le Canada a interdit à tous les médias d’État russes d’accéder à nos ondes publiques afin d’empêcher le Kremlin de diffuser sa propagande et sa désinformation dans notre pays. Le Canada a également placé tous les médias contrôlés par l’État russe sur sa liste de sanctions. Cependant, il semble que les médias d’État russes soient encore diffusés dans de nombreux foyers canadiens par l’intermédiaire d’appareils de diffusion en continu offerts au Canada par les sociétés eTVnet et Kartina.

Le gouvernement canadien demandera-t-il à la Gendarmerie royale du Canada d’enquêter sur ces entreprises qui pourraient tirer profit de la diffusion de la désinformation russe au Canada? Agira‑t-il pour empêcher la propagande haineuse, la désinformation et les conspirations de la Russie d’être diffusées dans les foyers canadiens?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de cette question très importante.

Sénateur, bien que je ne puisse pas parler d’une éventuelle enquête de la Gendarmerie royale du Canada, je peux vous dire que le gouvernement continue de condamner avec la plus grande fermeté l’utilisation par la Russie de propagandistes de guerre pour justifier son invasion massive de l’Ukraine.

En collaboration avec ses partenaires internationaux, le gouvernement continuera à s’opposer au régime russe et à s’attaquer à la désinformation russe. À cette fin, le gouvernement a annoncé à la fin de l’année dernière de nouvelles sanctions contre les personnes et les entités qui, par leur rôle dans l’orchestration de la désinformation et de la propagande de guerre soutenue par le Kremlin, favorisent directement la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine.

Le sénateur Kutcher : Merci, sénateur Gold.

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC, a-t-il un rôle à jouer dans la lutte contre la propagande russe, d’autant plus que l’on constate une montée du sentiment prorusse dans certains secteurs de notre société et une augmentation de la quantité de désinformation politiquement déstabilisante diffusée par les médias russes ici au Canada?

Le sénateur Gold : Je ne suis pas en mesure de commenter le rôle du CRTC, qui est indépendant du gouvernement à cet égard.

Cependant — et je tenais à ajouter ceci à ma réponse précédente —, le Canada sanctionne également les entités de désinformation qui sont directement financées par l’État en tant qu’entités fédérales ou qui reçoivent des fonds sous la forme de subventions d’État distribuées par des agents du Kremlin. Le gouvernement du Canada continue de faire ce qu’il peut pour lutter contre cette désinformation.

L’agriculture et l’agroalimentaire

La peste porcine africaine

L’honorable Robert Black : Sénateur Gold, la peste porcine africaine est une maladie virale qui touche les porcs. Cette maladie, qui entraîne des pertes massives dans les populations de porcs et a des conséquences catastrophiques sur l’économie, est devenue un énorme problème pour l’industrie porcine au cours des dernières années.

Elle sévit actuellement dans plusieurs régions du monde. En plus de nuire à la santé et au bien-être des animaux, la peste porcine africaine nuit aussi grandement à la biodiversité et au gagne-pain des agriculteurs. Le virus de la peste porcine africaine est très résistant dans l’environnement et peut se propager par contact direct ou indirect avec des porcs infectés, des produits porcins, ainsi que du matériel agricole, des aliments pour animaux et des vêtements contaminés. Heureusement, la peste porcine africaine n’est pas actuellement présente au Canada.

Sénateur Gold, ma question est la suivante : que fait le gouvernement pour se préparer à son éventuelle arrivée dans notre pays ainsi qu’à ses effets sur l’industrie porcine canadienne, et quels plans a-t-il mis en place pour assurer la sécurité de cette industrie?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de cette importante question. La peste porcine africaine constitue une menace et un risque bien réels. Heureusement qu’elle n’est pas encore arrivée au Canada.

Afin d’empêcher l’introduction dans notre pays de maladies porcines, y compris la peste porcine africaine, le Canada a mis en place depuis un certain temps des restrictions rigoureuses à l’importation de porcs vivants et de produits et sous-produits dérivés du porc. En outre, l’Agence canadienne d’inspection des aliments surveille la situation mondiale et adopte une approche proactive et collaborative pour empêcher l’introduction de la peste porcine africaine au Canada.

Le gouvernement a également mis en place des préparatifs supplémentaires par l’intermédiaire d’une équipe d’intervention nationale chargée d’assurer le maintien au Canada de capacités d’intervention appropriées en laboratoire et sur le terrain.

L’innovation, les sciences et le développement économique

Technologies du développement durable Canada

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, l’ancienne PDG de Technologies du développement durable Canada, Leah Lawrence, a récemment comparu devant un comité de la Chambre des communes. Dans son témoignage, elle a déclaré que la présidente du conseil d’administration de cette caisse noire environnementale, une initiée du Parti libéral, avait été prévenue en 2019 qu’elle était en conflit d’intérêts direct.

La présidente n’a pas tenu compte de cet avertissement et a envoyé des derniers publics de la caisse noire à sa propre entreprise. Le gouvernement Trudeau avait également été averti du conflit d’intérêts de cette candidate à la présidence en juin 2019, avant sa nomination. Les libéraux ont tout de même nommé leur amie à la présidence.

(1510)

Monsieur le leader, que fait le gouvernement Trudeau pour récupérer ces millions de dollars des contribuables? Je soupçonne qu’il ne fait rien, mais pourriez-vous nous dire ce qu’il fait à l’égard de ce dossier?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Sénateur, j’ignore si des mesures sont prises à cet égard et ce qu’elles sont le cas échéant. Comprenez-moi bien, ce n’est pas un reproche, mais je ne suis tout simplement pas en mesure de commenter la situation telle que vous l’avez décrite. Cela dit, je vais certainement la porter à l’attention du ministre responsable.

Le sénateur Plett : Il est malheureux que nous n’arrivions pas à obtenir de réponse ici. Les Canadiens qui peinent à payer leurs factures comprendront bien ce qui s’est installé ici : une culture de la corruption, purement et simplement.

Le 20 novembre, le ministre Champagne annonçait qu’un cabinet d’avocats étudierait les allégations d’inconduites concernant la caisse noire environnementale.

Monsieur le leader, où en est cette enquête? Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? L’enquête est-elle terminée? Le cas échéant, le ministre Champagne a-t-il reçu un rapport?

Le sénateur Gold : Je vous remercie une fois de plus de votre question.

Je ne sais pas où en est l’enquête en question. Évidemment, il m’est impossible de parler d’une enquête en cours. Dès que l’enquête sera achevée, je suis certain que les mesures nécessaires seront prises.

La sécurité publique

L’application ArriveCAN

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, je sais qu’il n’est pas facile pour vous, ces jours-ci, de faire votre travail de représentant du gouvernement actuel, mais il nous incombe à nous, les sénateurs, de défendre les contribuables. Je dois donc revenir sur la question d’« ArnaqueCan ».

À l’heure actuelle, il y a une entreprise à qui on a confié un mandat dont le contrat était censé s’élever à 80 000 $, mais qui s’est finalement élevé à plus de 60 millions de dollars. Selon la vérificatrice générale, ce montant pourrait être plus élevé. Cette même entreprise — GC Strategies — n’a, de son propre aveu, que deux employés et aucune expertise dans le domaine des TI. Nous avons appris récemment que la même entreprise avait reçu 250 millions de dollars en contrats depuis 2015, date de l’arrivée au pouvoir du gouvernement Trudeau. Cela devrait préoccuper tous les contribuables de ce pays.

Le gouvernement ne nous donne pas de réponses claires. Voici ma question : qui est responsable en dernier ressort des marchés publics dans ce gouvernement? Pouvez-vous nous donner un nom, un ministère, un ministre? Qui est responsable?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie. Tous les Canadiens devraient vouloir que les processus d’approvisionnement soient suivis à la lettre. Voilà pourquoi, lorsque la situation a été révélée, le gouvernement a pris une série de mesures : des enquêtes internes qui se poursuivent, des enquêtes de la GRC, la suspension des contrats avec cette entreprise et d’autres, comme je l’ai dit, ainsi que la mise en place d’une série de mesures pour traiter et améliorer notre processus d’approvisionnement.

Chers collègues, vous savez aussi bien que moi — et je l’ai dit dans cette enceinte — que les processus d’approvisionnement dans l’appareil gouvernemental fédéral sont partagés entre différents ministères, et qu’un certain degré d’autonomie est accordé aux différents ministères. C’est l’un des aspects qui fait l’objet d’un réexamen à la suite de ces révélations.

Le sénateur Housakos : Il est risible que le gouvernement demande à Services publics et Approvisionnement Canada de mener une enquête sur ses propres activités. En fait, nous sommes dans ce pétrin précisément parce que ce ministère et votre gouvernement n’ont pas fait un travail satisfaisant. Voilà pourquoi la vérificatrice générale a dû intervenir. C’est également pour cette raison qu’elle affirme ne pas avoir encore de réponses à ce jour. Le dossier est maintenant entre les mains de la GRC parce qu’on soupçonne que des actes répréhensibles ont été commis. Il serait si simple de nous dire où s’arrête la responsabilité.

Voici ma prochaine question : annulerez-vous toutes les amendes insensées qui forcent des dizaines de milliers de Canadiens à se présenter devant les tribunaux à cause de l’application « ArnaqueCAN »? Annulez ces sanctions pécuniaires.

Le sénateur Gold : J’ai répondu à cette question tellement souvent. Sénateur Housakos, je me contenterai de répéter que ce n’est pas la position du gouvernement. Je ne suis pas en mesure de commenter les mesures qui sont envisagées, s’il y en a, en ce qui concerne les amendes qui ont été imposées pendant la pandémie.

Les ressources naturelles

L’oléoduc Trans Mountain

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Ma prochaine question porte sur la mauvaise gestion du projet d’expansion de l’oléoduc Trans Mountain par le gouvernement Trudeau. Ce projet n’aurait rien coûté aux contribuables canadiens si le gouvernement Trudeau avait pu donner à Kinder Morgan la certitude réglementaire qu’elle cherchait à obtenir. Il a plutôt adopté des politiques et un discours anti-énergie.

En février 2022, la ministre Freeland a annoncé que Trans Mountain ne recevrait plus de fonds publics. Cependant, quelques jours avant Noël, le gouvernement Trudeau a révélé qu’il avait garanti des prêts de quelque 2 milliards de dollars accordés à Trans Mountain par des prêteurs commerciaux.

Monsieur le leader, cela ne va-t-il pas à l’encontre de ce que la ministre Freeland a promis aux contribuables canadiens il y a deux ans?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. La décision d’aller de l’avant avec l’oléoduc Trans Mountain et de le soutenir malgré les objections de nombreux secteurs de la société illustrait la tentative du gouvernement de faire ce qui s’impose pour le Canada, pour le secteur de l’énergie et pour l’environnement en trouvant une approche équilibrée permettant de respecter les besoins et les ressources énergétiques du pays — en particulier les provinces productrices de ressources qui ont besoin d’un meilleur accès aux marchés mondiaux —, tout en cherchant des moyens de transporter les produits pétroliers d’une manière sûre, ce qui inclut les oléoducs, par opposition à d’autres mesures. Cette approche est et demeure responsable, équilibrée et prudente.

La sénatrice Martin : Le gouvernement est anti-énergie plus que toute autre chose.

Cela dit, nous avons aussi appris que Trans Mountain a radié plus de 888 millions de dollars sur les 4,7 milliards de dollars des contribuables que le gouvernement Trudeau a dépensés pour l’acheter en 2018. Cette radiation a été appelée « charge au titre de la dépréciation du goodwill ».

Monsieur le leader, encore une fois, n’est-ce pas contraire à ce que la ministre Freeland a promis aux contribuables il y a à peine deux ans?

Le sénateur Gold : Je ne suis pas en mesure de me prononcer sur ce à quoi le comptable ou les radiations renvoient ni ce qu’ils signifient. À cet égard, je maintiens ma réponse en faveur du développement continu de notre industrie des ressources. C’est un élément important d’un plan énergétique et environnemental global pour notre pays que le gouvernement met et continuera de mettre en œuvre.

Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton

Les transports—L’Administration de pilotage de l’Atlantique

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 270, en date du 2 novembre 2023, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant l’Administration de pilotage de l’Atlantique.

Les pêches, les océans et la Garde côtière canadienne— L’Office de commercialisation du poisson d’eau douce

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 292, en date du 6 février 2024, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant l’Office de commercialisation du poisson d’eau douce.

Réponses différées à des questions orales

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat)Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer les réponses aux questions orales suivantes :

Réponse à la question orale posée au Sénat le 4 mai 2023 par l’honorable sénatrice Ataullahjan, concernant les demandes de visa.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 20 juin 2023 par l’honorable sénatrice McPhedran, concernant le harcèlement et la violence au travail.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 15 décembre 2023 par l’honorable sénatrice Osler, concernant le projet Wehwehneh Bahgahkinahgohn.

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Les demandes de visas

(Réponse à la question posée le 4 mai 2023 par l’honorable Salma Ataullahjan)

En ce qui concerne Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) :

Le nombre de demandes de visa de visiteur provenant du Pakistan a presque triplé de 2022 à 2023, passant de 39 000 demandes reçues entre janvier et septembre 2022 à 109 000 demandes reçues pendant la même période en 2023. Le ministère gère cette hausse en traitant d’abord les demandes de l’arriéré dont la date d’application est plus ancienne. Entre le 1er octobre 2022 et le 31 août 2023, le Canada a traité plus de 107 000 demandes de visa de visiteur provenant du Pakistan; il reste donc environ 43 000 demandes à traiter en date du 12 septembre 2023.

Les délais de traitement sont calculés en fonction de l’âge des demandes qui ont été traitées au cours des semaines précédentes. Les délais de traitement ont donc augmenté à court terme étant donné que le ministère traite un grand nombre de cas plus anciens, bon nombre d’entre eux ayant été soumis pendant la fermeture des frontières liée à la pandémie.

Plus d’un bureau peut participer au traitement d’une demande, et elle peut être transmise au moyen du réseau de traitement mondial d’IRCC en vue d’en rendre le traitement le plus efficace possible. Cette mesure s’inscrit dans le cadre des efforts continus déployés par le Canada pour réduire les délais de traitement et améliorer le service à la clientèle au Pakistan et dans d’autres régions. Ces efforts se traduisent également par une capacité supplémentaire au bureau d’IRCC d’Islamabad.

L’emploi et le développement social

Le harcèlement et la violence au travail

(Réponse à la question posée le 20 juin 2023 par l’honorable Marilou McPhedran)

Avant 2021, le Code canadien du travail (Code) comportait des régimes distincts traitant de la violence au travail et du harcèlement sexuel, ce qui créait un déséquilibre dans le traitement de ces questions. Le projet de loi C-65 et le Règlement sur la prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail (le Règlement) sont entrés en vigueur le 1er janvier 2021 et ont créé un régime unique en vertu de la partie II du Code.

Le gouvernement a soutenu la mise en œuvre du Règlement en mettant à la disposition le centre d’appels(1-800-641-4049) ainsi que des documents d’orientation, des outils et des ressources disponibles sur Canada.ca.

Des formations et des ressources ont également été élaborées dans le cadre des projets du Fonds pour la prévention du harcèlement et de la violence en milieu de travail, et le gouvernement a établi une liste d’enquêteurs.

Le rapport annuel intitulé Agir contre le harcèlement et la violence dans les milieux de travail qui relèvent de la compétence fédérale au Canada du ministre du Travail contient les informations statistiques du cycle de déclaration de 2021. Le rapport annuel pour le cycle de déclaration de 2022 sera disponible en juillet 2024.

Le rapport ne traite que de cas de harcèlement et de violence signalés par le biais du rapport annuel des employeurs. Les employeurs doivent indiquer le nombre d’incidents liés au harcèlement et à la violence sexuels, ainsi qu’au harcèlement et à la violence non sexuels.

L’infrastructure et les collectivités

Le projet Wehwehneh Bahgahkinahgohn

(Réponse à la question posée le 15 décembre 2023 par l’honorable Flordeliz (Gigi) Osler)

Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) :

L’engagement de la SCHL envers le projet Wehwehneh Bahgahkinahgohn, souvent appelé projet de la baie d’Hudson, demeure fort et la société a fourni 500 000 $ en financement initial pour le développement préalable du projet. Depuis que l’engagement financier de la SCHL par le biais du Fonds pour le logement abordable (anciennement le Fonds de co‑investissement national en matière de logement) a été pris à l’origine, l’industrie de la construction et les conditions du marché du logement ont considérablement évolué, et le personnel de la SCHL continue de travailler main dans la main avec ses partenaires pour structurer le financement d’un projet qui est non seulement viable, mais qui connaîtra le succès au fil des ans.

Des travaux supplémentaires sont prévus au début de 2024 pour finaliser davantage les coûts attendus du projet. Une fois ces travaux terminés, l’Organisation des chefs du Sud et la SCHL détermineront quelles seront les prochaines étapes pour concrétiser ce projet important.


ORDRE DU JOUR

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-62, Loi no 2 modifiant la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir), soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, je suis très heureux d’intervenir dans le cadre du débat à l’étape de la troisième lecture de ce projet de loi. Je ne répéterai pas tous les points que j’ai précédemment soulevés lors de mon discours à l’étape de la deuxième lecture.

(1520)

Honorables sénateurs, permettez-moi de revenir brièvement sur certains éléments que nous avons entendus au cours du débat jusqu’à présent.

Premièrement, chers collègues, il n’y a aucune décision des tribunaux qui se prononce sur notre régime d’aide médicale à mourir actuel ou qui oblige le Parlement à élargir l’admissibilité. Les tribunaux n’ont pas statué que le recours à l’aide médicale à mourir quand la seule raison invoquée est la maladie mentale relève d’un droit constitutionnel. Il n’existe aucune déclaration constitutionnelle préexistante issue d’un tribunal.

De 2015 à 2016, après que la Cour suprême du Canada a déclaré, dans la décision Carter, que l’interdiction prévue dans le Code criminel d’avoir recours à l’aide médicale à mourir violait la Charte canadienne des droits et libertés, les demandeurs devaient présenter une demande aux tribunaux pour avoir accès à l’aide médicale à mourir parce qu’une solution législative n’avait pas encore été adoptée — même si la cour avait suspendu sa déclaration d’invalidité pour un an. Au cours de cette année, les demandeurs ne cherchaient pas à établir le droit constitutionnel à l’aide médicale à mourir en raison de leur maladie en particulier. Les tribunaux appliquaient simplement la décision constitutionnelle que la Cour suprême avait déjà rendue dans la décision Carter.

Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. E. F., 2016 — la décision de la Cour d’appel de l’Alberta à laquelle la sénatrice Simons a fait référence dans son discours d’hier —, la Cour d’appel de l’Alberta a accordé la mort assistée à la demanderesse E. F., qui souffrait principalement, comme on l’a noté, d’une maladie psychiatrique et dont on peut soutenir que l’état n’était pas en phase terminale. Bien que certains puissent prétendre que cette affaire appuie le droit à l’aide médicale à mourir fondé principalement sur une maladie mentale, la Cour d’appel de l’Alberta s’est penchée uniquement sur la façon d’appliquer l’arrêt Carter dans l’attente d’une mesure législative du gouvernement.

La cour a expressément refusé de se prononcer sur la constitutionnalité de l’éventuel cadre législatif, et je cite son jugement :

[...] En outre, bien qu’un projet de loi, sous la forme du projet de loi C-14, soit actuellement dans le processus législatif, il n’y a pas de loi qui fasse l’objet d’un examen constitutionnel. Toute question qui pourrait être soulevée concernant l’interprétation et la constitutionnalité d’une éventuelle loi devraient évidemment attendre qu’elle soit promulguée.

[Français]

Chers collègues, le gouvernement du Canada s’est engagé à autoriser l’élargissement de l’AMM en fonction des maladies mentales comme seule condition médicale sous-jacente, parce qu’il croit que c’est la bonne chose à faire. Cependant, soyons clairs : le gouvernement ne croit pas que c’est la seule voie qui s’offre à lui en vertu de la Charte. Il ne croit pas qu’il existe une base constitutionnelle sur laquelle les tribunaux devraient être invités à exempter des individus de l’interdiction de l’aide médicale à mourir dans ces circonstances. Les tribunaux ne sont pas non plus mieux placés que les praticiens pour procéder à des évaluations dans les circonstances complexes pouvant entourer une demande d’aide médicale à mourir fondée uniquement sur la maladie mentale.

Je crois fermement que le régime d’aide médicale à mourir qui est actuellement en vigueur — et que nous avons adopté au fil du temps dans cette Chambre — est conforme à la Charte, tout comme je crois qu’il continuera de l’être avec le projet de loi C-62.

Le cadre canadien de l’aide médicale à mourir cherche à équilibrer un certain nombre d’intérêts concurrents et de valeurs sociétales protégées par la Charte, comme l’autonomie des individus à prendre des décisions de fin de vie, la protection des personnes vulnérables et la nécessité de considérer le suicide comme un problème de santé mentale.

[Traduction]

La Cour suprême du Canada a reconnu la difficulté pour le Parlement de légiférer dans ce domaine et a indiqué qu’il y aurait un haut degré de déférence à l’égard des choix du Parlement quant à la façon d’atteindre un équilibre entre des intérêts concurrents. La question difficile de savoir s’il faut autoriser l’aide médicale à mourir pour les maladies mentales peut être résolue de différentes manières, conformément à la Charte. La Charte n’impose ou n’exige pas de réponse bien précise.

Cependant, dans le cas du projet de loi C-62, je crois fermement que le gouvernement a choisi une réponse politique précise qui ferait l’objet d’un degré particulièrement élevé de déférence de la part des tribunaux. Honorables collègues, le projet de loi C-62 repose non pas sur l’idée selon laquelle l’assurance-maladie serait refusée aux Canadiens dont le seul problème de santé invoqué est une maladie mentale, mais plutôt sur le principe voulant que l’aide médicale à mourir soit autorisée, mais que la mise en œuvre de l’exemption doive être encadrée par des principes de prudence, de précaution et de bonne gouvernance des soins de santé, en consultation et en collaboration étroites avec les provinces, les territoires et les intervenants. Dans ce contexte, je suis fermement convaincu que les tribunaux approuveraient le projet de loi C-62 et le considéreraient comme un choix valide et raisonnable du Parlement, pour toutes les raisons légitimes qui ont été données.

Deuxièmement, le projet de loi C-62 n’est pas né arbitrairement. Il reflète le besoin pratique de disposer du temps nécessaire pour assurer la mise en œuvre et la surveillance sûres et sécurisées de l’aide médicale à mourir pour les personnes dont la maladie mentale est la seule condition sous-jacente. Aucune des objections n’est de nature idéologique, et, en toute déférence, les commentaires qui laissent entendre le contraire sont tout simplement inexacts.

Chers collègues, il faut le répéter, aucun gouvernement provincial ou territorial ne se dit prêt. Ce sont des représentants dûment élus qui couvrent l’ensemble du spectre idéologique, y compris des gouvernements libéraux, néo-démocrates et conservateurs, qui sont les mieux placés pour prendre des décisions sur le caractère adéquat de leur système de santé et qui sont responsables des décisions qu’ils prennent en matière de prestation et de mise en œuvre des services de santé. Ils estiment qu’une prolongation est nécessaire, et le gouvernement du Canada a déclaré qu’il travaillerait en collaboration avec eux, comme il l’a fait tout au long de ce processus et comme il continuera de le faire.

Le fédéralisme coopératif n’est pas qu’une simple expression que l’on sort pour embellir un argument. Il a un sens, surtout dans une fédération où les responsabilités sont partagées — comme c’est le cas ici — entre le droit pénal, qui relève exclusivement du fédéral, et le droit provincial, dont la compétence est exclusive en matière de santé.

Le fédéralisme coopératif exige que les gouvernements et les parties prenantes se réunissent pour établir une voie à suivre dans ce domaine en particulier, à l’instar de nombreux autres. À l’approche de la date limite, la Chambre des communes a présenté et adopté le projet de loi C-62, par une forte majorité, dans le but de donner aux provinces, aux territoires et aux parties prenantes le temps nécessaire pour se préparer. Chers collègues, je suis convaincu que le gouvernement devra rendre des comptes à ce sujet.

Le projet de loi C-62 prévoit également le rétablissement du comité mixte spécial qui sera chargé d’examiner spécifiquement la question de l’état de préparation dans les deux ans suivant la sanction royale. Si je peux me permettre d’ouvrir une parenthèse, cette disposition signifie que nous n’avons pas nécessairement à attendre deux ans pour établir le comité mixte. Nous pourrions le faire plus tôt, mais il doit être établi au plus tard deux ans après la sanction royale. Ainsi, on prévoit au moins une année complète pour faire le travail, pour que les réponses soient soumises à l’examen des deux Chambres du Parlement.

Encore une fois, dans le cadre de ce processus, le gouvernement devra s’expliquer et rendre des comptes au sujet de l’état de préparation au moment où le comité sera rétabli. Il reviendra au Parlement — y compris au Sénat — de reprendre ce travail.

[Français]

Encore une fois, rappelons que le projet de loi C-62 concerne le processus, la prudence et la bonne gouvernance.

Il ne s’agit pas de remettre en question les mérites de l’AMM lorsque la maladie mentale est la seule condition médicale sous‑jacente. Ce projet de loi vise à donner au système de soins de santé le temps qu’ont réclamé les provinces, les territoires et les professionnels qualifiés pour être en mesure de fournir des soins en toute sécurité, dans tout le pays.

Les trois années proposées dans le projet de loi C-62 ont pour but de s’assurer que les praticiens sont prêts à évaluer adéquatement les demandes d’aide médicale à mourir lorsque la seule condition médicale sous-jacente est une maladie mentale.

Le gouvernement du Canada travaille en étroite collaboration avec les provinces, les territoires et les parties prenantes pour soutenir l’état de préparation du système de soins de santé en vue de la levée de l’exclusion temporaire de l’admissibilité à l’AMM pour les personnes souffrant uniquement d’une maladie mentale.

[Traduction]

Parmi les 200 milliards de dollars annoncés par le gouvernement pour améliorer les soins de santé pour les Canadiens, 25 milliards de dollars d’argent frais sur 10 ans sont notamment réservés à l’amélioration de la santé mentale et à la prise en charge des problèmes de toxicomanie. Le ministre de la Santé a déjà signé des accords bilatéraux avec la Colombie-Britannique, l’Alberta, l’Ontario, la Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard et les Territoires du Nord-Ouest. Ces accords prévoient des mesures ciblées et très spécifiques en matière de santé mentale.

(1530)

Le gouvernement fédéral est résolu à adopter une approche mesurée, réfléchie et compatissante afin que le régime canadien d’aide médicale à mourir réponde aux besoins des Canadiens, protège les personnes vulnérables et soutienne l’autonomie et la liberté de choix des gens. Il continuera de collaborer avec les provinces et les territoires, les professionnels de la santé, les personnes ayant une expérience personnelle dans ce domaine et les autres parties prenantes pour que l’aide médicale à mourir soit mise en œuvre de façon sécuritaire et que des mesures de sauvegarde appropriées soient en place, de manière à affirmer et à protéger la valeur inhérente et égale de la vie de toutes les personnes.

Honorables sénateurs, les divergences de points de vue que nous entendons au Sénat reflètent la polarisation des opinions des Canadiens. Certaines personnes éprouvent des souffrances intolérables malgré des années, voire des décennies, de tentatives de traitement infructueuses et n’entrevoient aucune possibilité de soulagement. Nous connaissons tous une personne qui se trouve dans cette situation, et nous sommes de tout cœur avec ceux dont c’est la réalité. Ce qui est encore plus regrettable, c’est le refus de fournir des soins, non pas parce que leur souffrance n’est pas réelle, mais parce que le système et les options de soutien ne sont tout simplement pas bien outillés.

Comme l’ont fait remarquer certains collègues, le projet de loi touche un groupe marginalisé de Canadiens. Je suis d’accord avec eux. Permettez-moi de souligner que si le projet de loi C-62 n’est pas adopté, nous aurons dressé un groupe de Canadiens marginalisés contre un autre en fonction de la région où ils habitent. Les provinces et les territoires qui sont prêts à élargir l’accès accepteront les demandes d’aide médicale à mourir. Les personnes qui souffrent dans d’autres provinces et territoires n’auront peut-être même pas la possibilité de présenter une demande. Cela crée une incohérence importante dans le système et dans le contexte d’un droit pénal qui est censé accorder des droits et des protections à tous les Canadiens. Nous ne sommes pas les États-Unis. Le droit pénal ne relève pas de la compétence provinciale et territoriale, mais de la compétence fédérale.

Chers collègues, il est essentiel que les professionnels de la santé mentale soient convaincus que l’aide médicale à mourir puisse être évaluée et prodiguée en toute sécurité partout au Canada dans ces circonstances et qu’ils s’entendent sur ce fait. Les conséquences sont énormes. Elles peuvent être permanentes.

Comme le sénateur Dalphond l’a souligné à juste titre au cours de nos débats il y a quelques semaines, si le projet de loi C-62 n’est pas adopté avant le 17 mars, cela engendrerait un véritable vide juridique. Il ne s’agit pas d’une abstraction. Si le projet de loi n’est pas adopté le 17 mars, les Canadiens auront accès légalement à l’aide médicale à mourir, peu importe que les systèmes soient ou non en place pour soutenir les personnes qui demandent cette aide et les personnes qui sont chargées d’évaluer les cas. Dans une telle situation, ce sont les plus vulnérables qui en paieront le prix.

J’espère que ces observations éclaircissent davantage la position adoptée par le gouvernement en faveur de cette mesure. Encore une fois, je vous demande respectueusement d’appuyer l’adoption du projet de loi C-62. Merci beaucoup.

L’honorable Paula Simons : Le représentant du gouvernement accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Gold : Bien sûr.

La sénatrice Simons : Je me rafraîchis la mémoire au sujet de l’affaire E.F., et j’aimerais citer un extrait de la décision unanime des juges. Il s’agit d’une citation différente de celle que j’ai lue hier soir :

Comme on peut le voir dans l’affaire Carter 2015, la question de savoir si les désordres psychiatriques devraient être exclues de la déclaration [...] a été directement soumise à la Cour; néanmoins, la Cour a refusé de prévoir une telle exclusion dans ses critères soigneusement élaborés. [...] Les personnes souffrant d’une maladie psychiatrique ne sont pas explicitement ou implicitement exclues si elles répondent aux critères.

Sachant que cette décision a été rendue pendant la période de vide juridique qui a précédé l’adoption du projet de loi C-14, ne trouvez-vous pas que la décision unanime de la Cour d’appel constitue une sorte de précédent relativement à l’établissement d’un droit constitutionnel, d’un droit en vertu de la Charte, à l’aide médicale à mourir?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question et de tout le soin avec lequel vous avez analysé cet avis.

[Français]

C’est tout à votre honneur.

[Traduction]

La réponse courte, c’est que cette décision n’établit pas un droit constitutionnel.

Si vous voulez bien m’excuser, je vais adopter une approche pédagogique. En interprétation des lois, et dans une moindre mesure pour l’interprétation de la Constitution, un principe élémentaire veut qu’une affaire doive être comprise dans le contexte des faits et des autres circonstances qui l’entourent, et la Cour d’appel de l’Alberta, à juste titre, a clairement précisé qu’elle se prononçait sur cette période, où ce qui était établi était le droit d’avoir accès à l’aide médicale à mourir même lorsque la mort n’est pas imminente. C’est sur cette question qu’elle s’est penchée. Tout le reste avait moins d’importance dans sa décision.

Dans cette affaire, la cour a accordé une exception. Il s’agissait d’une personne qui souffrait principalement d’une maladie psychiatrique, mais la décision rendue n’a pas établi de droit constitutionnel pour la simple et bonne raison que le Parlement a subséquemment promulgué une loi excluant de tels cas de l’admissibilité à l’aide médicale à mourir.

Comme je l’ai dit dans mon discours, par la suite, grâce à un amendement du Sénat, la loi a été modifiée pour en faire un droit légal, moyennant un délai de préparation, car nous croyons que c’est la bonne chose à faire. Cela ne fait pas l’unanimité, mais c’est l’avis du gouvernement et c’était celui du Sénat. Ainsi, tant et aussi longtemps que ce délai ne sera pas écoulé, ni une instance judiciaire ni le Parlement ne dira que l’accès à l’aide médicale à mourir pour les personnes atteintes d’une maladie mentale constitue un droit constitutionnel.

Je suis désolé. Mon explication était un peu longue, mais j’espère qu’elle clarifie les choses.

La sénatrice Simons : Dans votre discours et dans la réponse que vous venez de donner à ma question, vous avez insisté sur le fait que le problème de santé d’E.F. était principalement psychiatrique. Votre formulation me rend un peu perplexe, car j’ai suivi cette affaire en tant que journaliste à l’époque en Alberta et jamais je n’ai vu le moindre indice qui aurait pu laisser croire que cette personne avait d’autres problèmes de santé que son trouble psychiatrique.

Le sénateur Gold : Merci. Je n’essayais pas de brouiller les cartes. Ce que je dis, c’est que, d’une certaine façon, la nature du problème de santé concerné dans l’affaire E.F. n’a pas eu d’effet sur la décision qui a été prise. Le seul élément qui pouvait être pris en compte était le fait que, dans l’arrêt Carter, la cour avait statué qu’il était inconstitutionnel de limiter l’accès aux personnes dont la mort était raisonnablement prévisible ou imminente, pour reprendre le terme employé Québec.

Ainsi, pendant une période donnée, même si un droit constitutionnel avait été reconnu par la Cour suprême, aucune loi n’encadrait ce droit. Par conséquent, la loi qui avait été déclarée inconstitutionnelle était, à strictement parler, toujours en vigueur. La cour était donc appelée à statuer sur l’exécution du droit de la demanderesse reconnu dans l’arrêt Carter relatif au fait qu’il n’était pas nécessaire d’être sur son lit de mort pour être admissible. Cependant, tout le reste était — pardonnez l’expression latine — obiter dicta. Cela ne faisait pas partie de la décision fondamentale.

Le fait demeure que la cour devait établir, dans le contexte du droit reconnu dans l’arrêt Carter, qui n’était pas limité par le type de maladie, si une personne était admissible. La cour a rendu sa décision, mais elle n’a pas reconnu par le fait même un droit constitutionnel d’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème de santé est une maladie mentale. Ce n’est pas de cette façon que fonctionne la jurisprudence de la Cour suprême ou de tout autre tribunal.

J’espère que cela répond à votre question.

L’honorable Stan Kutcher : Le sénateur Gold accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Gold : Oui, bien sûr.

Le sénateur Kutcher : Merci. Sénateur Gold, ce projet de loi favorise l’inégalité d’accès aux soins médicaux en prévoyant une exclusion générale qui permet à toute province de refuser l’accès à cette intervention médicale à des résidants d’une autre province, même si cette province est déjà prête à l’offrir. Or, l’égalité ne peut pas dépendre de la volonté d’autrui à l’accepter.

Pourriez-vous nous expliquer pourquoi le gouvernement a créé une disposition générale qui peut servir à retarder l’accès de certains Canadiens à ces soins de santé simplement parce que d’autres personnes disent qu’elles ne sont pas prêtes, au lieu d’établir un cadre de référence différent qui permettrait aux provinces d’aller de l’avant lorsqu’elles sont prêtes? Parce qu’il y a des provinces qui ont déjà dit qu’elles sont prêtes.

(1540)

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Permettez-moi d’apporter quelques précisions.

L’interdiction d’accorder l’aide médicale à mourir aux personnes dont la seule condition sous-jacente est la maladie mentale est prévue au Code criminel du Canada, qui s’applique à tous les Canadiens d’un océan à l’autre. Par conséquent, insérer des exemptions ou des modifications dans le Code criminel auraient nécessairement pour effet de modifier les circonstances actuelles, les droits juridiques, les obligations légales et, en fait, les mesures de protection juridiques pour les citoyens canadiens. Ce n’est pas quelque chose que l’on retrouve habituellement dans le Code criminel par rapport aux champs de compétence exclusive — c’est‑à-dire le droit pénal — et en ce qui concerne une situation comme celle-ci, dans les circonstances actuelles.

Le premier point, c’est que le droit pénal national au Canada est réellement national. On n’a pas l’option d’y adhérer ou non selon les circonstances telles que celles que nous examinons.

Le deuxième point, c’est que je sais, sénateur Kutcher, que vous croyez — vous l’avez d’ailleurs affirmé fermement — que certaines provinces se disent prêtes. Cependant, aucun ministre de la santé dans les provinces et les territoires n’est contre cette prolongation. Certains cliniciens se disent prêts. Certains organismes de réglementation peuvent le dire aussi. Je sais que des universitaires, et certainement des sénateurs, se disent prêts, mais pas un seul ministre de la Santé des provinces ou des territoires n’affirme être prêt.

Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le sénateur, ce n’est pas vrai que certaines provinces sont prêtes. Toutes les provinces, peut-être pour des raisons différentes, y compris les provinces les plus progressistes qui ont fait le plus d’efforts pour être prêtes à bien des niveaux, disent encore qu’elles ont besoin de plus de temps pour le faire en toute sécurité et correctement.

Enfin, les Parlements peuvent choisir de légiférer sur des questions de politique de différentes façons, tant qu’ils respectent les grandes lignes de la Constitution, ce que le projet de loi C-62 fait essentiellement, chers collègues. Le Parlement peut ensuite choisir la marche à suivre. Il a procédé sur la base de l’intégrité du droit pénal, du respect des provinces et des territoires, de leurs compétences exclusives et de leurs responsabilités envers leurs citoyens en ce qui concerne l’administration des soins de santé.

Je pourrais m’étendre longuement sur la signification de l’égalité dans la Constitution. Si j’ai eu une certaine réputation en tant qu’universitaire, c’est grâce à mes recherches sur le droit à l’égalité et aux formations que j’ai offertes à des juges en matière de droits à l’égalité, et je continue à enseigner ce sujet. La semaine prochaine, je donnerai une conférence sur ce sujet à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa. C’est en ma qualité de sénateur ou d’universitaire que je le ferai. En tant que représentant du gouvernement, je reconnais que lorsque je parle, c’est au nom du gouvernement, et je ne vais pas en faire le commerce.

Quel que soit le chapeau que je porte, je suis convaincu qu’il ne s’agit pas d’un projet de loi inconstitutionnel. À cet égard, et compte tenu des raisons que j’ai données, je pense qu’il est important que nous, les sénateurs, ayons un certain respect pour le choix politique que le gouvernement a fait.

Je m’excuse d’avoir répondu longuement.

Le sénateur Kutcher : Je vous en prie, sénateur Gold, ne vous excusez pas de la longueur de votre réponse. En tant que médecin et professeur, je suis conscient que c’est un risque de la profession. Nous sommes tous dans le même bateau.

J’aimerais revenir à un des points que vous venez de soulever. Votre mémoire est peut-être meilleure que la mienne, mais, en ce qui concerne la lettre qui a circulé, votre souvenir est différent du mien. On nous a dit que toutes les provinces avaient donné leur appui. Je vais parler en mon nom, en tant que sénateur de la Nouvelle-Écosse.

D’après ce que je comprends, la Nouvelle-Écosse n’a pas dit qu’elle n’était pas prête. Elle a dit qu’elle ne s’opposait pas à ce que l’on accorde plus de temps aux autres provinces. Il s’agit d’une nuance vraiment importante. C’est une nuance très importante.

Dr Gus Grant, de l’organisme de réglementation de la Nouvelle‑Écosse, a témoigné devant le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir. Il a déclaré que les organismes de réglementation sont prêts et que la Nouvelle-Écosse est prête. Dr Gubitz et Dr Holland, qui administrent les services d’aide médicale à mourir en Nouvelle-Écosse, ont livré un témoignage — et Dr Holland s’est entretenu avec la CBC sur le sujet. Le mémoire provenant de psychiatres qui font ce genre de travail en Nouvelle‑Écosse indique clairement qu’ils sont prêts. La Nouvelle-Écosse n’a pas déclaré qu’elle n’est pas prête; elle a dit qu’elle ne s’opposait pas à ce que d’autres provinces se voient accorder plus de temps.

J’aimerais savoir si le gouvernement du Canada a informé le gouvernement de la Nouvelle-Écosse qu’il allait mettre en œuvre une disposition générale, une exclusion générale, privant ainsi les citoyens de la Nouvelle-Écosse de leur droit d’accéder à ce type d’intervention médicale.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question et de votre exposé sur la situation dans votre province. Je ne suis pas au courant de la teneur de toutes les discussions qui ont eu lieu avec les ministres de la Santé, en particulier entre le ministre Holland et son homologue dans votre province.

Toutefois, chers collègues, permettez-moi de vous rappeler que nous ne débattons pas du rapport du comité mixte ni de la lettre qui a été soumise par de nombreuses provinces. Nous ne débattons pas non plus de la position adoptée par la province de Québec lorsqu’elle a légiféré contre l’élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir ni des positions de Terre-Neuve ou de la Colombie-Britannique, qui n’ont pas signé la lettre, mais ont exprimé leur soutien.

Nous débattons du projet de loi C-62, qui est un projet de loi du gouvernement proposant une prolongation de trois ans afin que les provinces et les territoires puissent faire ce qu’ils jugent nécessaire afin d’être prêts à offrir ce service de manière sûre et uniforme dans l’ensemble du pays.

Encore une fois, la suppression de l’interdiction criminelle doit se faire à l’échelle nationale, faute de quoi l’intégrité de notre Code criminel sera compromise. Il ne s’agit pas simplement de la question abstraite de l’intégrité du Code criminel, mais d’une question qui aura des conséquences concrètes dans tout le pays.

Certes, sénateur Kutcher, il est impossible d’oublier qu’il y a des conséquences à cette prolongation. Pour ceux qui souffrent et qui attendent de pouvoir faire l’objet d’une évaluation en vue d’obtenir l’aide médicale à mourir, ce sera terriblement décevant, c’est le moins qu’on puisse dire.

Je ne suis pas indifférent. Nous ne sommes pas indifférents aux conséquences de cette décision. Dans l’ensemble, le gouvernement du Canada, qui a l’appui de l’ensemble des provinces et des territoires — ainsi que de nombreuses personnes au sein de la profession médicale et des institutions responsables de la prestation des soins médicaux aux Canadiens —, croit pour toutes ces raisons que la voie prudente et responsable à suivre consiste à prolonger la disposition de caducité pour cette période et à prévoir un examen parlementaire afin que les gouvernements puissent rendre des comptes sur le travail qu’ils doivent faire afin que le système soit prêt.

L’honorable Denise Batters : Merci beaucoup pour votre discours d’aujourd’hui, sénateur Gold.

Tout d’abord, en ce qui concerne E.F, j’entends parler de son cas depuis plusieurs années et, chaque fois, on affirme qu’elle souffrait d’une maladie rare à la fois physique et psychiatrique. C’est souvent ainsi qu’on décrit son cas.

Pour ce qui est de ma question, je suppose que je vous demande, sénateur Gold, de mettre votre chapeau de professeur de droit constitutionnel, car il serait peut-être utile pour les sénateurs ici présents d’obtenir quelques explications sur la différence entre la raison déterminante d’une affaire, ses principes contraignants et les opinions incidentes exprimées dans le cadre de celle-ci.

Vous y avez brièvement fait référence, mais je pense qu’il serait utile que les sénateurs comprennent cette distinction, car certaines parties de l’affaire ne sont que des opinions incidentes. C’est intéressant. C’est ce qu’a affirmé la cour, mais ces opinions n’ont pas la même valeur de précédent que la raison déterminante et les principes contraignants de l’affaire. J’aimerais que vous l’expliquiez aux sénateurs.

Merci.

Le sénateur Gold : Sénatrice Batters, faites attention à ce que vous demandez.

Je serai bref. En common law — et cela remonte à des centaines d’années —, le droit n’était généralement pas établi par des lois. C’est plutôt l’accumulation de décisions dans des affaires qui déterminaient l’ordre des choses. On pouvait — souvent après coup — extraire certains principes fondamentaux de ces décisions. Cela se distingue de la tradition civile, qui est elle aussi une tradition juridique importante, où les choses ont tendance à être codifiées et où l’on dit que les résultats découlent des lois.

(1550)

Cette approche exigeait que les juges, en examinant les précédents, comprennent ce qui avait été réellement décidé, car, après tout, une affaire dans laquelle Jacques et Bruno se disputaient au sujet d’un arbre sur leur propriété et où Bruno se voyait accorder des dommages-intérêts devait s’appliquer à des personnes qui ne s’appelaient ni Bruno ni Jacques et peut-être même à des choses autres que des arbres. On a donc essayé de séparer la ratio decidendi, c’est-à-dire la raison de la décision ou le noyau du principe qui survivrait aux différences factuelles de l’affaire, de toutes les autres discussions, aussi utiles et intéressantes soient‑elles, qui étaient considérées comme accessoires par rapport à la décision proprement dite.

Si l’on transpose cela dans la Constitution et que l’on tient compte du fait que nos tribunaux ont traité notre Constitution comme un arbre vivant et évolutif — il arrive donc que les tribunaux changent d’avis —, il n’en reste pas moins que les affaires ne sont valables que pour la base de leur décision. Dans de nombreux cas — en particulier à la Cour suprême, mais aussi dans des tribunaux inférieurs —, des juges émettent des opinions qu’il est important de prendre en considération et qui peuvent très bien s’avérer éclairantes dans des affaires ultérieures, mais qui, à proprement parler, ne constituent pas la décision.

Les tribunaux inférieurs du Canada, que ce soit les cours provinciales, les cours supérieures ou les cours d’appel, ont aussi des règles sur ce qui les lie ou pas. Ainsi, lorsque la Cour suprême rend une décision, cette dernière lie tous les tribunaux inférieurs. La question est de savoir ce qui a été décidé.

En passant, c’est vrai pour la cour d’appel. Quand la Cour d’appel de l’Alberta a tranché dans cette affaire, la décision a lié la cour de première instance en Alberta. Toutefois, dans tous les cas, il faut distinguer le fondement de la décision et les considérations qui y étaient accessoires.

À cet égard, selon mon interprétation de la décision, la question fondamentale était que la personne souffrait terriblement d’un trouble irrémédiable — du moins, selon l’évaluation des juges —, mais que sa mort n’était pas imminente. C’est le cadre dans lequel la décision a été prise. Je ne dis pas que le reste est sans importance, mais, à strictement parler, il ne fait pas partie de la décision.

J’espère que mon explication était claire. Je suis un peu rouillé, et c’est le mieux que je puisse faire. Merci de la question.

L’honorable Andrew Cardozo : Ma question s’adresse au sénateur Gold. Un des arguments que vous avez soulevés dans votre discours concernait le montant que le gouvernement consacre aux troubles mentaux et aux services en santé mentale. Je me demande si cela est bien pertinent — je dirais même contre-productif dans le cadre de notre débat — parce que, à mon avis, lorsqu’il est question d’aide médicale à mourir, notamment dans le cas des personnes dont le seul problème de santé est un trouble mental, on parle de maladies irrémédiables. Par conséquent, le niveau de financement n’est pas un enjeu, pas plus que le montant consacré à la personne ou le nombre de services auxquelles elle a eu accès — tout cela n’est pas pertinent.

Ce que j’ai compris — corrigez-moi si j’ai tort —, c’est que nous pouvons reporter la mise en œuvre de cette partie du régime d’aide médicale à mourir parce que nous allons investir davantage et offrir plus de services à la population au cours des trois prochaines années. Est-ce moi qui vous ai mal compris?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Je dirai simplement non; la perspective de dépenser plus d’argent ne fait pas partie du raisonnement qui sous-tend la prolongation de la disposition de caducité. Il s’agit simplement de répondre aux préoccupations légitimes qui ont été exprimées dans cette enceinte et que nous partageons tous, à savoir que beaucoup de Canadiens n’ont pas accès aux mesures de soutien aux personnes souffrant de maladies mentales. Nous nous concentrons — à juste titre — sur les collectivités autochtones, par exemple, ou sur les collectivités rurales. Toutefois, c’est le cas dans ma ville, Montréal, et c’est le cas dans votre ville, Toronto, et ailleurs.

Comme je l’ai dit hier en réponse à une question, notre système ne sera jamais parfait. Nous n’attendons pas la perfection du système. C’est utopique. J’ai parlé de l’argent simplement pour souligner que le gouvernement fédéral fait sa part, en collaboration avec les provinces, afin d’aider celles-ci à faire ce qu’elles jugent nécessaire avant d’être prêtes à fournir, par exemple, des ressources de prévention du suicide pour les gens.

Écoutez, hier, quelqu’un a indiqué dans son discours — je pense que c’était la sénatrice Miville-Dechêne, et corrigez-moi si je me trompe —, que, dans l’un des pays d’Europe, 1 500 personnes ont présenté une demande et que seulement de 5 à 10 % d’entre elles, soit plus de 1 000 personnes, se feront dire qu’elles ne sont pas admissibles. Pourtant, par définition, elles ont présenté leur demande en disant : « Je suis aux prises avec des souffrances intolérables et je veux mettre fin à ma vie. » Je connais des gens dans cette situation et je sais qu’ils ne sont pas admissibles.

J’ai moi-même dû dire à quelqu’un ayant composé avec... Je ne voulais pas en faire une affaire personnelle. Heureusement, cette personne avait le soutien de sa famille, des ressources et les moyens de composer avec le fait que son espoir de mettre fin à ses souffrances serait déçu. Toutefois, les provinces disent : « Nous nous inquiétons de la façon dont nous nous occuperons des gens qui verront leurs espoirs anéantis — ce n’est pas le bon terme — qui ne seront pas admissibles. »

Je suis désolé, il s’agit encore d’une longue réponse.

Il faut consacrer davantage de ressources à la santé mentale, qu’il s’agisse ou non de l’aide médicale à mourir en cas de maladie mentale. Le gouvernement fait sa part. J’espère que les provinces font leur part. Il ne s’agit là que d’une partie du soutien dont nous avons besoin en tant que société pour que les gens puissent prendre leur décision en étant pleinement soutenus à tous égards.

Le sénateur Cardozo : Brièvement, d’après ce que je comprends, l’argent que vous avez mentionné est vraiment distinct de celui versé pour l’aide médicale à mourir, à moins que les provinces puissent utiliser cet argent pour se préparer à fournir l’aide médicale à mourir?

Le sénateur Gold : L’argent que le gouvernement fédéral verse habituellement aux provinces n’est pas assorti de conditions, car les soins de santé ne relèvent pas de la compétence fédérale. Les provinces sont libres d’investir l’argent comme elles le veulent. Bien franchement, certaines provinces prennent l’argent destiné à la santé et ne le dépensent pas pour la santé. Ce n’est pas correct.

Dans les accords bilatéraux avec le gouvernement du Canada, il y a des domaines qui sont ciblés et qui font l’objet de négociations, qui comprennent dans certains cas le soutien en santé mentale. À cet égard, les provinces se sont engagées à dépenser en santé mentale une partie de ce qu’elles obtiennent dans le cadre de ces accords bilatéraux. Cependant, elles sont libres de dépenser le reste de l’argent comme elles le souhaitent — s’il ne fait pas l’objet d’une obligation contractuelle qu’elles ont contractée, l’argent reçu chaque année en transferts fédéraux en matière de soins de santé ou en paiements de péréquation peut être dépensé pour les soins de santé, l’éducation, les routes ou toute autre chose qui relève de leur compétence.

[Français]

L’honorable Chantal Petitclerc : Sénateur Gold, est-ce que vous accepteriez de répondre à une autre question?

Le sénateur Gold : Oui, bien sûr, chère collègue.

[Traduction]

La sénatrice Petitclerc : Sénateur Gold, vous en avez déjà parlé dans vos discours et les ministres ont déjà donné certaines réponses à ce sujet, mais j’aimerais que vous nous en disiez plus. Je dois mieux comprendre le raisonnement derrière le choix de trois ans. Pourquoi pas deux ans? Pourquoi pas un an? Pourquoi pas deux ans et demi? Je sais que pour nous, parlementaires, trois ans, cela peut paraître plutôt court, mais les personnes souffrant d’une maladie mentale — dont certaines comptent les jours d’ici au 17 mars — veulent plus de détails. Pourquoi, au juste, pensez-vous qu’il faut trois ans, et que va-t-il se passer pendant cette période? J’ai besoin de données exploitables, quantifiables. Quel est le plan? Pourquoi faut-il trois ans?

Le sénateur Gold : Merci. C’est une très bonne question. J’ai tenté — je n’ai peut-être pas été aussi clair dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture et je ne l’ai pas devant moi. Comme je ne veux pas prendre de temps, je vais tenter d’être bref.

Cette période de trois ans a été choisie pour plusieurs raisons. Comme l’a reconnu le ministre, les provinces sont à différents stades de préparation. Il a été jugé prudent de choisir une durée qui nous permettrait d’être raisonnablement sûrs que les provinces disposeraient d’assez de temps pour se préparer, et que le comité mixte reconstitué aurait le temps de mener son évaluation. Il y a également des raisons plus particulières.

(1600)

Hier, j’ai parlé de la participation au programme clinique et du fait que 1 100 cliniciens de partout au pays se sont inscrits, mais que seulement quelques dizaines d’entre eux ont été pleinement formés à ce jour. D’autres suivront prochainement, bien sûr.

J’ai parlé de la nécessité d’instaurer des mécanismes de surveillance adéquats. J’ai parlé de la nécessité d’établir des lignes directrices plus détaillées afin d’assurer l’uniformité au sein des provinces et entre elles. Nous avons également parlé des communautés autochtones, dont certaines, comme je l’ai dit hier, ont commencé à mobiliser leurs citoyens, à mener des consultations et à discuter avec le gouvernement fédéral sur cette question très délicate. Des projets dirigés par des Autochtones sont en cours.

J’ai aussi parlé des données. Ce n’est que récemment que nous avons obtenu des données générales sur l’aide médicale à mourir pour 2023. Il s’agit, pour la plupart, de cas de la voie 1. L’analyse de ces données est en cours. On nous a dit que des données additionnelles sur la voie 2 et la manière dont le système réagit seront très utiles pour comprendre l’incidence de l’aide médicale à mourir et les répercussions propres à chaque communauté. Il s’agit de données désagrégées. Chers collègues, il n’y a pas si longtemps, nous déplorions l’absence totale de données désagrégées. Nous savons aussi qu’un des défis auxquels nous sommes confrontés depuis toujours lorsque les compétences sont partagées, c’est que les provinces sont chargées de fournir les données, mais elles ne le font pas toujours ou, si elles le font, les données peuvent être présentées de différentes façons, ce qui rend leur interprétation difficile.

Sénatrice, la période de trois ans semblait un choix sûr et prudent pour de nombreuses raisons, y compris toute la gamme de raisons que les provinces, les territoires et les cliniciens nous ont données pour se voir accorder plus de temps. J’espère que je vous ai donné un début de réponse.

[Français]

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-62. Il est à noter que celui-ci n’a reçu l’appui d’aucun des députés du Bloc québécois à l’autre endroit.

Comme nous le savons tous, ce sujet revêt une importance capitale et soulève plusieurs enjeux, ce qui apporte à chacun de nous son lot de charge émotionnelle. Je ne reprendrai pas tout ce qui a été déjà dit si éloquemment par nos collègues. Je vais uniquement mettre l’accent sur quelques points.

Soit dit en passant, non seulement j’ai 35 ans de pratique en soins palliatifs et de fin de vie, mais j’ai aussi fait partie du comité qui a mis l’AMM en place au Québec, en 2015-2016.

Le projet de loi C-62 vise à prolonger de trois ans l’exclusion de l’admissibilité à l’aide médicale à mourir des personnes dont le seul problème médical est un trouble mental. On pourrait le dire autrement : il s’agit de nier aux personnes atteintes de troubles mentaux l’accès aux soins de fin de vie.

Le gouvernement allègue trois motifs. Le premier, que nous ne sommes pas prêts; le deuxième, qu’il n’y a pas assez de psychiatres qui ont reçu une formation pour l’AMM; le troisième, qu’il n’y a pas de consensus entre les professionnels de la santé.

Pour ce qui est du premier motif selon lequel nous ne sommes pas prêts, dans le mémoire qu’elle a présenté devant le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir, la Dre Stefanie Green a mentionné ce qui suit :

Il y a une préparation au niveau fédéral, des initiatives provinciales, territoriales et régionales ont été lancées et se poursuivent, et les organismes de réglementation des médecins et des soins infirmiers ainsi que les associations professionnelles sont prêts.

Pour ce qui est du deuxième motif selon lequel il n’y a pas assez de psychiatres qui ont eu une formation pour l’AMM, soit 2 %, il faut noter que, selon un rapport plus ancien de la Commission sur les soins de fin de vie, il y avait 350 médecins qui pratiquaient l’AMM dans la province en 2017-2018, soit 1,7 % de tous les médecins québécois. Donc, avec 1,7 % des médecins et 2 % des psychiatres, a-t-on besoin de plus?

Pour ce qui est du troisième motif selon lequel il n’y a pas de consensus entre les professionnels de la santé, je dirais qu’il n’existe pas de consensus sur de nombreuses pratiques médicales. L’hormonothérapie substitutive pour les femmes ménopausées et la transplantation d’organes, pour ne citer que celles-ci, en sont des exemples. Cela n’interdit pas pour autant leur pratique.

Si je me rapporte aux années 2015 et 2016, les gouvernements voulaient tellement implanter l’AMM qu’ils l’ont fait, malgré une divergence claire entre les professionnels de la santé. Alors, où est le consensus? À l’époque, les directeurs des services professionnels des milieux de soins s’arrachaient les cheveux pour trouver des médecins qui voulaient pratiquer l’AMM dans leur milieu. La formation des médecins se faisait au fur et à mesure des besoins. Pourtant, l’AMM a bien été implantée.

Le nombre de médecins pratiquant l’AMM a augmenté au fil des années. Dans les rapports annuels successifs de la Commission sur les soins de fin de vie, j’ai trouvé une évolution du nombre de médecins pratiquant l’AMM chaque année et même le nombre d’actes d’AMM pratiqués par professionnel.

Cependant, je ne veux pas vous étourdir avec des données et des chiffres, car ce n’est pas très pertinent aujourd’hui puisque les professionnels répartissent cette pratique dans leur quotidien. Ils choisissent d’y consacrer une, deux ou trois demi-journées par semaine. Puisque les médecins ont trois ou quatre champs de pratique, cela représente des demi-journées éparses. C’est donc très variable. De plus, très peu de médecins au Canada pratiquent exclusivement l’AMM à temps plein. L’argument du manque de psychiatres ne tient donc pas la route.

Honorables sénateurs, nul besoin de récapituler les critères d’admissibilité pour recevoir l’AMM en général; vous les connaissez tous. Il faut toutefois se rappeler qu’une demande d’AMM ne garantit pas automatiquement l’admissibilité à l’obtenir.

[Traduction]

Autrement dit, soumettre une demande d’aide médicale à mourir ne garantit pas nécessairement que la personne sera admissible à la recevoir.

[Français]

Tous ces critères pour l’AMM en général s’appliquent aussi aux personnes dont le seul motif invoqué est une maladie mentale. Au cours des débats sur l’AMM, on a l’impression que l’élargissement de l’admissibilité est perçu comme un élastique qu’on étire pour englober un nouveau groupe, soit les personnes dont le seul problème est de souffrir d’une maladie mentale. Ces personnes ont les mêmes droits que le reste de la population. Elles ont été tout simplement exclues.

Je ne dis pas qu’il faut procéder comme en 2015-2016, mais il faut s’assurer que les professionnels sont prêts et c’est très bien, car ils le sont actuellement. La formation que reçoivent les professionnels permet de répondre à certaines préoccupations légitimes soulevées au sujet des maladies mentales. On comprend que leur évaluation est plus complexe et qu’elle nécessite un meilleur encadrement et des balises plus strictes, plus costaudes.

Selon la maladie mentale de base, nous pouvons faire face à des situations aiguës, comme une crise suicidaire ou une crise de psychose associée ou non à un état de vulnérabilité structurelle attribuable à la précarité du logement ou à la pauvreté.

À cet effet, comme je l’ai dit plus tôt, les organismes réglementaires en matière de santé ont effectué leur travail comme le demandait le gouvernement du Canada, soit en élaborant des modules de formation pour les professionnels et en établissant des normes de pratique — tout ce qu’il faut pour que les prestataires de soins soient prêts à assurer des soins de fin de vie sécuritaires.

Je sais que la peur d’une dérive, de la «pente glissante», est présente en chacun de nous, dans le cadre de l’AMM en général, mais elle est encore plus marquée lorsqu’il s’agit de maladies mentales, ce qui exige donc d’établir des critères plus robustes.

(1610)

À cette fin, j’ai puisé, dans le témoignage du Collège des médecins du Québec, des repères traduisant la robustesse des critères réclamés.

Pour une assurer une prestation sécuritaire de l’AMM, il y a cinq critères. Premièrement, la décision d’accorder l’aide médicale à mourir dans un cas de trouble mental ne doit pas s’inscrire uniquement dans un épisode de soins, mais doit être prise au terme d’une évaluation globale et juste de la situation de la personne.

Deuxièmement, il ne doit pas y avoir d’idéation suicidaire, comme dans un cas de trouble dépressif majeur.

Troisièmement, la souffrance psychique intense et continue, confirmée par des symptômes graves et une atteinte du fonctionnement global, est présente sur une longue période et enlève à la personne tout espoir d’allègement quant à la lourdeur de sa situation. Cela l’empêche de se réaliser dans un projet de vie et fait perdre toute signification à son existence. Cet élément doit être évalué par les évaluateurs.

Quatrièmement, on doit être en présence d’un long parcours de soins avec des suivis appropriés, des essais multiples de thérapies disponibles et reconnues comme efficaces et un accompagnement psychosocial soutenu et éprouvé.

Cinquièmement, une évaluation multidisciplinaire des demandes doit avoir été faite en présence essentielle du médecin ou de l’infirmière praticienne spécialisée en santé mentale ayant effectué le suivi de la personne, et celle d’un psychiatre consulté dans le cadre précis de la demande d’aide médicale à mourir. Toujours dans l’optique de répondre à plusieurs de nos préoccupations, les propos de la Dre Stefanie Green sont très pertinents. Cette dernière est présidente fondatrice de l’Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l’AMM. Elle a énuméré, dans le mémoire qu’elle a déposé au Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir, les critères pour lesquels les personnes ne sont pas admissibles à l’AMM. 

Ces critères sont les suivants : une personne en crise suicidaire ou en crise de psychose n’est pas admissible à recevoir l’AMM; une personne nouvellement prise en charge et nouvellement diagnostiquée n’est pas admissible à recevoir l’AMM; une personne dont la demande est fondée sur des vulnérabilités structurelles comme la précarité de logement ou la pauvreté — cela a fait les manchettes des journaux, mais toujours pour les trois mêmes personnes — n’est pas admissible à recevoir l’AMM; une personne qui refuse, sans justification, tous les traitements pouvant améliorer sa condition n’est pas admissible à l’AMM; une personne pour laquelle des traitements accessibles et efficaces existent n’est pas admissible à l’AMM.

Enfin, si les évaluateurs ne peuvent se prononcer sur tous ou une partie des critères déjà cités, la personne n’est pas admissible à l’AMM. Ces personnes seront dirigées vers des ressources appropriées à leur situation.

Je vous signale que, lors des réunions du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir, on a demandé à une psychiatre combien de personnes seraient admissibles à l’AMM, selon son expérience professionnelle. Elle a mentionné qu’elle avait passé en revue ses nombreuses années de carrière et a indiqué qu’elle avait identifié seulement deux personnes qui seraient admissibles à recevoir l’AMM dans sa pratique. Même si plusieurs personnes font la demande, ce sont les évaluations qui décideront ou non de l’admissibilité à l’AMM.

Chers collègues, l’élargissement de l’AMM aux personnes dont le seul problème invoqué est la maladie mentale ne signifie pas qu’il s’agit d’un bar ouvert. Notre système est encadré par des lois, des mesures de protection et des normes de pratique strictes. Je vous invite, si vous ne l’avez pas déjà fait, à examiner le rapport principal du comité mixte, les deux rapports complémentaires des députés ainsi que les deux rapports dissidents rédigés par la majorité des sénateurs qui ont siégé au Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir. Pour ma part, en ce qui concerne le projet de loi C-62, je ne suis pas prête à l’appuyer dans sa forme actuelle.

Je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables collègues, il y a trois ans, au cours des derniers débats sur le projet de loi C-7, j’avais reconnu que les organismes de défense des droits des personnes handicapées perdraient cette ronde quand le projet de loi C-7 entrerait en vigueur, mais que ce ne serait pas la dernière fois que les sénateurs seraient chargés de se pencher sur les répercussions discriminatoires de l’aide médicale à mourir. Nous y voilà.

Chaque sénateur porte une attention particulière à sa responsabilité d’examiner attentivement ce projet de loi, scrutant à la loupe les enjeux complexes et sérieux ayant un lien avec le projet de loi C-62. Les avis d’experts et les ressources dont nous disposons dans notre documentation sur ce projet de loi sont variés, complexes et souvent divergents.

Je tiens à remercier le sénateur Gold de son examen utile des raisons d’appuyer le projet de loi C-62 à cette étape-ci. Je tiens également à remercier tous les sénateurs qui se sont exprimés de manière réfléchie et sincère dans le cadre de ce débat.

Il y a près de 50 ans, j’ai obtenu mon diplôme de la Faculté de droit Osgoode Hall. Durant cette période des premiers litiges relatifs aux droits constitutionnels prévus dans la Charte, j’ai été avocate au ARCH Disability Law Centre, la première clinique juridique au Canada spécialisée dans le droit des personnes handicapées et la défense leurs intérêts. Je me réjouis d’avoir l’occasion de participer à ce débat. J’aimerais vous faire part du point de vue des experts en matière de défense des droits des personnes handicapées.

Vendredi dernier, j’ai parrainé une conférence de presse de ces experts, où Krista Carr, vice-présidente à la direction d’Inclusion Canada, a déclaré ceci :

Nous savons, fondamentalement, qu’il est clairement discriminatoire de mettre l’aide médicale à mourir à la disposition de personnes handicapées qui ne sont pas en fin de vie au lieu de mettre l’accent sur la prévention du suicide et d’autres mesures de soutien social et économique. Les organismes qui défendent les droits des personnes handicapées au pays l’ont dit clairement; ils ont aussi prédit que si on élargissait l’accès à l’aide médicale à mourir à des personnes handicapées qui ne sont pas en fin de vie, des personnes mourraient alors que ce qu’elles voulaient désespérément, c’était simplement de pouvoir vivre dans la dignité en ayant le soutien nécessaire. Nous avions raison.

Si vous regardez les données sur l’aide médicale à mourir au Canada, vous verrez que nos chiffres sont déjà plus élevés que ceux de pays qui ont instauré une forme légale d’aide médicale à mourir des années avant le Canada. Le régime canadien d’aide médicale à mourir est vu comme le plus permissif de la planète. Les corps s’empilent déjà, et on parle maintenant d’élargir encore l’accès au régime?

Dans un article paru dans le Hill Times il y a quelques semaines, la professeure de droit Daphne Gilbert, partisane de l’élargissement du régime d’aide médicale à mourir, a demandé au Sénat de rejeter le projet de loi C-62 dans le but de défendre les droits de la personne. Elle a comparé l’accès à l’aide médicale à mourir à la lutte pour défendre les droits des femmes en matière de santé sexuelle et reproductive. Je m’attarderai un peu sur cette idée.

Les partisans de l’aide médicale à mourir dont la perspective est fondée sur les droits ont raison de dire que la compréhension des droits de la personne est essentielle dans le cadre du débat actuel. Dans les faits, toutefois, certains de leurs arguments font peu de cas des droits des personnes handicapées.

Toujours dans le Hill Times, les professeurs de droit Isabel Grant et Trudo Lemmens s’interrogent sur l’appropriation des arguments féministes relatifs à l’autonomie corporelle et au libre choix en matière de reproduction comme artifice destiné à persuader le Sénat d’annuler la décision du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir, alors que les sénateurs ont pleinement participé à ses travaux en apportant des contributions substantielles.

La Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations unies, que le Canada a ratifiée et qu’il est tenu de respecter en vertu du droit international, définit un modèle social du handicap, qui exige des États la reconnaissance de la nature invalidante des obstacles comportementaux et environnementaux qui empêchent une personne de participer aussi pleinement que les autres à la société; autrement dit, on vise une égalité effective.

Chers collègues, certains d’entre vous le savent peut-être, mais j’ai travaillé des dizaines d’années dans le domaine des droits de la personne et j’ai contribué à la rédaction des dispositions relatives à l’égalité qui figurent dans la Charte canadienne des droits et libertés et donc dans la Constitution du Canada. Dans mon discours, je vous ferai part d’autres ressources provenant d’un éventail d’experts. Toutefois, je tiens à préciser que, sur la base du modèle social des droits des personnes handicapées et de ma propre expérience, je ne trouve pas d’équivalence.

Pour une personne handicapée qui n’est pas en fin de vie — pensons à quelqu’un qui est atteint d’une maladie mentale —, l’aide médicale à mourir ne relève pas du droit des personnes handicapées et elle n’est pas équivalente au libre choix en matière de reproduction.

(1620)

Pour citer les professeurs Grant et Lemmens :

Tout comme le droit à l’avortement permet aux femmes de s’épanouir dans une société où elles se sont historiquement heurtées à des inégalités sociales, politiques et économiques, les droits des personnes handicapées sont essentiels à l’épanouissement de ces dernières dans une société capacitiste qui, souvent, dévalorise leur vie.

À la lumière des données éloquentes que nous commençons à recueillir sur l’aide médicale à mourir et ses répercussions sur les personnes marginalisées par la société, en particulier celles qui vivent avec un handicap, rappelons-nous les mises en garde formulées par les trois experts indépendants des Nations unies lorsque nous avons étudié le projet de loi C-7, c’est-à-dire le rapporteur spécial sur les droits des personnes handicapées, l’experte indépendante chargée de promouvoir l’exercice par les personnes âgées de tous les droits de l’homme et le rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté. Ils ont tous signalé que l’élargissement de l’accès à la voie 2 prévu dans le projet de loi C-7 engendrerait probablement des violations des droits de la personne.

Nous sommes chargés de faire respecter la primauté du droit au Canada, y compris les droits énoncés dans la Charte et les traités internationaux en matière de droits de la personne que le Canada a ratifiés, comme la Convention relative aux droits des personnes handicapées et les pactes internationaux relatifs aux droits sociaux, économiques, civils et politiques, que le Canada considère comme des traités incontournables dans son application des droits de la personne.

Dans leur avis conjoint au Canada, les trois experts des Nations unies ont indiqué que le projet de loi sur l’aide médicale à mourir « semble irrémédiablement enlisé dans des préjugés sur les capacités des personnes handicapées ». Ils poursuivent ainsi :

[...] les critères d’admissibilité [...] peuvent être de nature discriminatoire ou entraîner de la discrimination, en laissant croire que les souffrances associées à un handicap sont de nature et de catégorie différentes que tout autre type de souffrance, rendant ainsi les personnes handicapées vulnérables à risque de subir de la discrimination fondée sur leur handicap.

Leurs mises en garde se sont malheureusement révélées prémonitoires. La semaine dernière, des défenseurs des personnes handicapées de tout le Canada sont venus à Ottawa pour témoigner devant la Commission canadienne des droits de la personne au sujet des grands problèmes que rencontrent les personnes handicapées. Leur liste était longue, mais leur principale préoccupation se rapportait aux répercussions des critères d’admissibilité à l’aide médicale à mourir sur les personnes handicapées.

Chers collègues, lorsque nous avons récemment accueilli ici même la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la liberté de religion ou de conviction, vous vous rappellerez que j’ai souligné que les rapporteurs spéciaux qui s’occupent de droits de la personne sont choisis pour leur expertise internationalement reconnue et que leur indépendance est renforcée du fait qu’ils travaillent à titre gracieux. J’espère que vous conviendrez qu’il est éloquent que trois de ces experts aient pris l’initiative extraordinaire d’avertir le Canada, en lui adressant conjointement une mise en garde par écrit, de l’éventualité probable que ses lois en matière d’aide médicale à mourir portent atteinte aux droits des personnes handicapées.

Aujourd’hui, la nouvelle rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits des personnes handicapées a exprimé des réserves et son intention de surveiller l’évolution des choses au Canada.

Rappelons également que l’expertise se présente sous de nombreuses formes et ne vient pas d’une seule profession. Les experts onusiens et canadiens en matière de droits des personnes handicapées continuent de chercher à mettre le Canada en garde contre le fait que des personnes vivant avec un handicap sont victimes de situations dangereuses et discriminatoires, sans que le Sénat en soit informé et sans qu’il puisse y faire quoi que ce soit de tangible. Dans leur lettre conjointe, les experts de l’ONU ont expressément prévenu le Canada qu’élargir l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème de santé est une maladie mentale augmentera encore plus le nombre de personnes demandant ou obtenant l’aide médicale à mourir parce qu’elles sont désavantagées sur le plan socioéconomique, c’est‑à‑dire parce qu’elles sont pauvres. Étant donné les inégalités sociales et économiques que de nombreuses personnes handicapées sont contraintes de subir, les experts craignent à juste titre que l’élargissement de l’aide médicale à mourir soit perçu comme une solution facile.

Dans le temps qu’il me reste, je souhaite citer d’autres experts de diverses disciplines et vous inviter respectueusement à prendre en considération leurs arguments.

Les experts de l’ARCH Disability Law Centre ont une longue expérience et un bilan remarquable en ce qui a trait à la défense des droits des personnes handicapées. S’il y a de la « cacophonie » — comme l’a déploré le sénateur Kutcher —, les voix de ces experts n’y contribuent pas.

Les avocats de l’ARCH font état d’une augmentation effarante du nombre de clients qui ont présenté ou cherchent à présenter une demande d’aide médicale à mourir correspondant à la voie 2, non pas en raison de leur handicap, mais à cause de souffrances liées à des obstacles au sein de la société, y compris le fait de vivre dans la pauvreté et de ne pas trouver de logement accessible et sécuritaire.

Les avocats de l’ARCH ont dit qu’ils ont des clients qui ne peuvent pas obtenir les services dont ils ont besoin, tels que les services d’un préposé pour les aider dans leurs activités de la vie quotidienne. Au lieu de recevoir des services pour les aider à vivre dignement au sein de la collectivité, ils se voient souvent offrir un faux choix impossible à faire, celui de vivre dans une collectivité où les conditions sont dangereuses ou de déménager dans un hôpital ou un établissement de soins de longue durée, où ils pourraient obtenir des services, mais où ils devront renoncer à leur indépendance, à leur travail et à leurs relations.

Ces gens ne sont pas sur le point de mourir. Ce ne sont pas des gens qui veulent mourir. Ce sont des gens qui vivent avec un handicap, qui ont besoin d’un niveau de soutien auquel ils ont droit et que les provinces n’offrent pas; c’est un choix qui est fait.

Je cite le directeur exécutif de l’ARCH, Roberto Lattanzio :

[...] les personnes en situation de handicap meurent grâce à l’AMM non pas parce qu’elles veulent mettre fin à leur vie, mais parce qu’elles souffrent en raison de conditions sociales et d’une conjoncture économique déshumanisantes. L’élargissement de l’AMM aux personnes dont le seul problème de santé est un « trouble de santé mentale » ne fera qu’exacerber la situation.

Le sénateur Kutcher a mentionné à répétition la cacophonie d’activistes qui s’opposent à l’aide médicale à mourir, qui « étouffe[nt] le débat » avec leurs « propos erronés et incendiaires » et qui nous « nourris[sent] de peurs et de mensonges ». Chers collègues, c’est peut-être ainsi que le sénateur perçoit ceux qui ont un point de vue différent du sien, mais les experts que je porte à votre attention ne sont pas de la cacophonie. Ils méritent le respect et la reconnaissance de leurs compétences et de leur témoignage direct et d’actualité concernant de véritables personnes vivant avec un handicap qu’ils connaissent et qui vivent une crise si profonde qu’elles choisissent de mourir parce qu’elles ne peuvent pas vivre de façon digne. Ces experts racontent de bonne foi des expériences directes pour une bonne raison, et je vous demande de tenir respectueusement compte de l’analyse des droits de la personne qu’ils offrent.

Plus de 100 organismes canadiens de soutien aux personnes handicapées se sont mobilisés pour s’opposer à la voie 2 et au projet de loi C-7 parce qu’ils ont tous des clients qui ne peuvent pas obtenir les services de santé mentale dont ils ont besoin pour vivre et contrôler leur vie de façon digne.

Selon les données de 2022 de Statistique Canada, le délai d’attente pour accéder à des services communautaires de counselling en santé augmente d’année en année.

Selon un sondage national réalisé par l’Association des psychiatres de l’Ontario, dont l’analyse repose sur des données recueillies entre le 7 décembre 2023 et le 23 janvier 2024, 61 % des psychiatres ont déclaré que l’aide médicale à mourir ne devrait pas être offerte aux personnes atteintes de maladie mentale, et 81 % ont déclaré que le système de santé n’était pas prêt à offrir l’aide médicale à mourir aux personnes souffrant de troubles mentaux.

La communauté des personnes handicapées a indiqué clairement que l’aide médicale à mourir violait, à certains égards, les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne à l’égard des personnes handicapées, conformément à la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées.

L’un de ces droits est le droit à la vie. La possibilité de choisir librement constitue un pilier central du droit à la vie tel qu’il s’applique à l’aide à mourir. Pour exercer ce droit, il faut que l’aide médicale à mourir soit choisie sans aucune contrainte ni pression extérieure. D’ailleurs, la privation constitue une pression extérieure, et c’est plus qu’une question morale. Lorsque des obstacles et des pressions d’ordre social, économique ou capacitiste empêchent les personnes handicapées de jouir pleinement de leurs droits, alors leur autonomie et leur capacité à faire des choix libres sont compromises.

L’isolement social, le manque de soutien, la pauvreté persistante, le manque de logements sûrs et accessibles sont autant de facteurs qui exercent des pressions sociales et économiques. Souvent, les personnes handicapées ne sont pas en mesure de faire un choix libre et sans contrainte. Les experts des Nations unies en matière d’invalidité ont clairement indiqué que les droits économiques et sociaux sont essentiels pour assurer une véritable autonomie, contrairement au mythe entourant la loi actuelle.

Votre Honneur, je demande au Sénat de m’accorder un peu plus de temps.

Son Honneur la Présidente : J’ai entendu un « non ». Je suis désolée, sénatrice McPhedran.

(1630)

L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour participer au débat à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-62, qui vise à reporter l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux cas où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée.

Je suis préoccupée par l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux cas où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée et j’ai eu des conversations sur l’aide à mourir avec plusieurs médecins, organismes et membres des Premières Nations, dont plusieurs sont d’anciens élèves des pensionnats. À leur demande, le point de vue dont je vous ferai part aujourd’hui est celui d’anciens élèves des pensionnats. Je vous dirai notre vérité de manière sincère.

Chers collègues, grâce à la recherche et aux écrits historiques, il est maintenant largement reconnu comme une vérité que le contact soutenu avec les Européens a fondamentalement changé la vie des Premières Nations. Il existe des documents indiquant que des représentants d’ordres religieux et du gouvernement allaient changer le corps, l’esprit et la spiritualité des membres des Premières Nations en laissant croire que ces changements rendraient les Premières Nations plus aptes à composer avec le monde soi-disant civilisé.

Dans son livre Colonizing Bodies, Mary-Ellen Kelm affirme que le milieu médical présentait toujours les membres des Premières Nations comme des êtres essentiellement pathétiques, anormaux et démunis. Elle affirme que les maladies infectieuses ont continué à toucher les Autochtones pendant une bonne partie du XXe siècle, non pas parce qu’ils étaient mal équipés génétiquement pour lutter contre les maladies, mais à cause de décisions prises par les gouvernements de la Colombie-Britannique et du Canada. Dans son livre, l’auteure déclare ceci :

Cette étude porte sur le façonnement des corps et des esprits autochtones par les processus de colonisation et conclut que la mauvaise santé des Autochtones est non seulement le résultat d’agents pathogènes sans visage, mais aussi des politiques et des pratiques coloniales du gouvernement canadien [...]

Mary-Ellen Kelm soutient que le corps et l’esprit sont des constructions sociales parce qu’ils sont inachevés — toujours construits par les forces de la société, de la culture et des lois, y compris aujourd’hui — et que les corps et les esprits autochtones sont ainsi façonnés.

Honorables sénateurs, je souscris à cette caractérisation, car je me rends compte que la personne que je croyais être après avoir quitté le pensionnat est une farce et un mensonge. J’ai 71 ans aujourd’hui et je suis encore aux prises avec les effets néfastes de cette expérience sociale sur ma vie. Ces effets néfastes s’étendent à ma collectivité, à ma famille immédiate et à ma famille élargie, y compris mes petits-enfants. Ma vie durant, je me suis efforcée de redécouvrir la petite fille qui, promise à la réussite, est entrée dans un pensionnat à l’âge de cinq ans mais en est ressortie meurtrie jusqu’au tréfonds de son âme. J’essaie de comprendre cette histoire et les répercussions qu’elle continue d’avoir sur ma santé mentale, tout en essayant de ne pas être trop dure avec moi-même.

Chers collègues, lors d’une conférence sur les pensionnats qui s’est tenue à Vancouver il y a deux semaines, une femme intergénérationnelle a dit que nous apprenions à trouver notre place dans notre pays et sur cette terre afin de comprendre qui nous sommes et que nos parents, élèves des pensionnats, n’étaient pas de mauvais. Quelqu’un d’autre a dit qu’il ne comprenait pas pourquoi son père était ainsi. Beaucoup ont dit qu’ils n’avaient jamais pu entendre l’histoire de leurs parents. Une personne m’a dit : « Maintenant, je sais pourquoi il a agi de la sorte. » Il s’agit essentiellement de la façon dont nous avons été élevés au pensionnat, car ce traitement froid, insensible et punitif était le seul que nous connaissions, puisque c’était le seul modèle auquel nous avions été exposés.

Pourtant, pourquoi nous, les Premières Nations, continuons-nous à penser que nous sommes le problème alors que ce n’est pas le cas?

Honorables sénateurs, je parle de ces expériences parce qu’il s’agit d’une base importante sur laquelle on peut ancrer et situer les crises et les maladies mentales qui sévissent dans les communautés des Premières Nations aux quatre coins du pays.

Peu d’entre nous ont raconté à leurs enfants ce qu’ils ont vécu dans les pensionnats autochtones. Il nous a fallu toute une vie pour commencer à comprendre l’horrible épreuve que nous avons vécue. Nous avons été privés de notre histoire. On nous a arraché notre forte identité crie, dénée et anishinabe pour la remplacer par un parcours racisé vers le statut de personne — je parle de littéralement façonner des corps colonialistes. Il faut encore nous poser beaucoup de questions difficiles dans ce pays. Qu’est-ce qui vous permet de penser que vous avez la responsabilité de nous dire comment nous guérir ou de nous aider à nous tuer en guise de solution aux troubles mentaux que ce pays a fait naître dans nos populations et nos communautés?

Encore aujourd’hui, ce colonialisme inachevé se perpétue bel et bien. Il mine les efforts des Premières Nations pour progresser vers la guérison. La question des agressions sexuelles qui ont eu lieu dans ces établissements n’est pas réglée. Beaucoup d’anciens élèves continuent de lutter avec ces blessures en silence; ils ont des cauchemars toutes les nuits.

Les agressions sexuelles sont les mauvais traitements qui laissent les plus graves séquelles. En parler est pénible, chers collègues, mais c’est un passage obligé. Imaginez un instant être un enfant qui subit des agressions sexuelles. Imaginez qu’il se fait dire par ses agresseurs, ces mêmes prêtres et sœurs, qu’il est un pécheur et un sauvage, et que Dieu n’aime pas les mauvais enfants comme lui. Où en seriez-vous aujourd’hui? Quel serait votre état de santé mentale?

Imaginez ce que c’est pour un enfant innocent d’aller confesser ses « péchés » à son agresseur. Imaginez que, un soir, vous voyiez un prêtre amener une petite dépouille derrière les buissons et que vous le voyiez ressortir les mains vides. Imaginez ce que c’est de se demander quand vous subirez de nouveau une agression et si — la prochaine fois — l’agression mènera ou non à votre mort.

Imaginez maintenant ce que c’est de porter le fardeau de ce traumatisme pour le reste de votre vie. En plus, les gens vous reprochent de vivre dans la rue, de ne faire confiance à personne, de boire et de consommer de la drogue pour oublier vos souvenirs et votre honte. Nous nous en voulons ensuite d’apporter dans notre communauté le poids des agressions sexuelles et d’autres formes de violence, ce qui pousse à la hausse le nombre de suicides d’année en année. Alors que les ressources sont sous-financées, difficiles à obtenir et passées au peigne fin par des esprits colonialistes, on nous dicte la façon de mener notre guérison.

Chers collègues, pour les raisons que je viens de donner, les Premières Nations sont aux prises avec une épidémie de maladie mentale qui est bien plus grave que dans le reste de la population canadienne. Je le sais et vous le savez. Les Autochtones doivent avoir l’occasion d’opérer leur guérison et de vivre sans le fardeau que leur ont imposé le gouvernement et l’Église.

Au lieu de cela, le Canada a informé les anciens élèves des pensionnats que le terme « pensionnat » ne serait plus employé, mais que l’on emploierait l’expression « tenir compte des traumatismes », ce qui efface la précision des traumatismes vécus dans les pensionnats.

Dans une lettre datée du 31 janvier 2024, des représentants de Services aux Autochtones Canada disent ce qui suit :

Chers signataires de l’entente, comme vous le savez peut-être, le financement actuel des programmes de soutien à la santé et à la culture tenant compte des traumatismes doit prendre fin le 31 mars 2024. Nous comprenons l’incertitude que cela peut engendrer lors de la planification future en matière de dotation et de prestation de services. En attendant l’annonce du budget de 2024, le ministère prolongera le financement actuel du programme de soutien à la santé et à la culture tenant compte des traumatismes jusqu’au 30 juin 2024, afin de faciliter votre planification organisationnelle après 1er avril 2024.

(1640)

Honorables sénateurs, nous avons besoin d’un financement permanent pour le soutien à la guérison des traumatismes causés par les pensionnats, qui sera nécessaire au-delà de notre vivant, car les traumatismes intergénérationnels sont justement intergénérationnels. Cette approche doit être reconnue et appuyée par le gouvernement avec autant d’ardeur que les réponses et les politiques relatives à la mort administrée par un médecin.

Honorables sénateurs, dans un communiqué de presse, le premier ministre Trudeau a accepté la conclusion de l’enquête nationale de 2019 sur les femmes autochtones disparues et assassinées, à savoir que « ce qui s’est produit constitue un génocide ».

Il a dit :

Pour guérir véritablement ces blessures, nous devons d’abord reconnaître la vérité. Non seulement au sujet des pensionnats, mais également au sujet de tellement d’injustices, passées et présentes, auxquelles font face les peuples autochtones.

Dans le même article, David MacDonald, professeur de sciences politiques à l’Université de Guelph, déclare :

Le gouvernement canadien admettrait que le génocide a été perpétré par des institutions qui fonctionnent toujours plus ou moins comme avant.

Les versions antérieures de leurs partis, les versions antérieures de leur Parlement, les versions antérieures de la GRC, les versions antérieures du ministère des Affaires indiennes [...] ont commis un génocide.

Les attitudes ont changé et tout le personnel est différent, mais il y a une continuité institutionnelle au Canada, ce qui n’est pas le cas en Allemagne.

En tant que Premières Nations, nous sommes confrontés à de nouveaux défis en constante évolution qui s’ajoutent à la charge mentale que nous portons déjà, qui vient notamment du déni des tombes anonymes, des situations individuelles et collectives de vol et de fraude d’identité, des revendications territoriales non résolues et des questions de citoyenneté. Les Premières Nations ont le fardeau de savoir que le nombre de leurs membres diminue en raison des règles discriminatoires du gouvernement en matière d’appartenance.

Mon petit-fils a demandé le statut d’Indien et a vu sa demande refusée. Il ne peut pas s’auto-identifier à cause des règles du gouvernement, alors que celui-ci accepte qu’un nombre extraordinaire de Canadiens revendiquent le statut de Métis sans aucune vérification. Nos spécialistes appellent cela « la dernière prime à payer », une prime qui passe par le vol d’identité, la fraude sur nos corps, la propriété de notre histoire, notre expérience des pensionnats, notre propriété intellectuelle, et maintenant nos langues. À quoi ressemblera le Canada de l’avenir? Il y aura des corps blancs et légèrement bruns qui courront partout en prétendant être autochtones, tandis que les quelques personnes ayant le statut d’Indien tomberont dans l’oubli.

Les premiers peuples du Canada ont survécu à un génocide intentionnel, soutenu, bien financé et exécuté par le gouvernement du Canada pendant des centaines d’années. Nous avons survécu, mais nous sommes fatigués et nous avons besoin d’aide. L’aide dont nous avons besoin de la part du gouvernement n’est pas une main tendue vers la mort, non. Nous avons plutôt besoin de soutien et de ressources adéquats pour pouvoir rebâtir notre nation en nous appuyant sur nos valeurs traditionnelles. Nous continuerons d’affirmer notre souveraineté et de la défendre jour après jour, conscients que ces efforts aideront les générations à venir.

J’appuie ce projet de loi et j’espère que vous en ferez autant. Il nous procurera un délai fort nécessaire. Kinanâskomitin, merci.

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social
La Loi sur l’assurance-emploi

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Diane Bellemare propose que le projet de loi S-244, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social et la Loi sur l’assurance-emploi (Conseil de l’assurance-emploi), tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, je voudrais d’abord souligner que je prononce ce discours à partir des territoires ancestraux et non cédés du peuple algonquin anishinabe.

[Traduction]

Je suis heureuse de proposer la troisième lecture du projet de loi S-244, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social et la Loi sur l’assurance-emploi (Conseil de l’assurance-emploi). Ce projet de loi vise à constituer le Conseil de l’assurance-emploi afin de renforcer le dialogue social au sein de la Commission de l’assurance-emploi.

[Français]

Dans mon discours précédent, j’ai longuement parlé des fondements du dialogue social et de ses mérites. J’ai aussi fait état des conventions internationales de l’Organisation internationale du travail concernant les pratiques du dialogue social dans les programmes d’assurance-chômage, auxquelles adhère le Canada.

Sans vouloir me répéter, je tiens à vous rappeler les faits suivants : l’assurance-chômage a vu le jour tardivement au Canada par rapport à l’Angleterre, soit en 1911, et à d’autres pays européens. Selon la Constitution de 1867, l’assurance-chômage était considérée comme une compétence provinciale. Il a donc fallu modifier la Constitution en 1940 afin de donner au gouvernement fédéral la responsabilité exclusive de ce champ de compétence.

[Traduction]

À l’origine, l’assurance-emploi était gérée par un organisme tripartite représentant le patronat, les syndicats et le gouvernement. Cet organisme était indépendant du pouvoir ministériel jusqu’au milieu des années 1970, lorsque la Commission de l’assurance-chômage a été amalgamée au ministère de l’Emploi et du Développement social. Le nom est différent, mais il s’agit du même ministère.

Jusqu’en 1998, la commission se fondait sur les conseils de comités consultatifs mixtes composés d’un nombre équivalent de représentants du patronat et des syndicats, les quatre principaux comités étant le Comité national du placement, jusqu’en 1965; le Comité consultatif de l’assurance-chômage, jusqu’en 1976; le Conseil consultatif canadien de l’emploi et de l’immigration, jusqu’en 1992; et la Commission canadienne de mise en valeur de la main-d’œuvre, jusqu’en 1998.

[Français]

Désormais, l’assurance-chômage, que l’on appelle l’assurance-emploi depuis 1994, est gérée par le ministère. L’influence des partenaires sociaux, bien qu’elle soit reconnue en principe, puisque la Commission de l’assurance-emploi comprend un commissaire qui représente des entreprises et un commissaire qui représente les syndicats, diffère des meilleures pratiques de dialogue social recommandées par l’Organisation de coopération et de développement économiques et par les conventions internationales de l’Organisation internationale du travail.

(1650)

Ce projet de loi vise à créer, dans la Loi sur l’assurance-emploi, un conseil consultatif pour la Commission de l’assurance-emploi qui serait coprésidé par les deux commissaires représentant le marché du travail, soit le commissaire des employeurs et le commissaire des travailleurs et travailleuses. Le projet de loi est appuyé par les représentants des grands regroupements d’employeurs et de travailleurs au Canada.

[Traduction]

Pourquoi ce projet de loi? En gros : pour améliorer l’efficacité de la Commission de l’assurance-emploi dans la prestation de conseils au gouvernement en l’informant sur les besoins et les approches préconisées par les intervenants du marché du travail, en proposant des stratégies publiques mutuellement avantageuses et en facilitant la mise en œuvre des stratégies et des politiques publiques dans le secteur de l’assurance-emploi.

[Français]

La Commission de l’assurance-emploi actuelle est composée de quatre personnes : le sous-ministre et le sous-ministre adjoint au ministère de l’Emploi et du Développement social, ainsi que les deux commissaires qui sont nommés après une consultation menée auprès des organisations ouvrières ou des associations d’affaires. Elle est présidée par le sous-ministre ou, en son absence, par le sous-ministre adjoint.

Cette commission a un rôle consultatif. C’est généralement le président de la commission, soit le sous-ministre, qui parle au nom de la commission. Or, le sous-ministre est nommé par le gouverneur en conseil et relève du ministre. Les commissaires consultent les milieux qu’ils représentent, mais ils ne peuvent faire les arbitrages nécessaires entre des avis différents pour présenter des avis communs.

[Traduction]

Ce projet de loi vise à créer une table ronde permanente pour clarifier les diverses consultations menées par le gouvernement, notamment en assurant l’arbitrage nécessaire pour rédiger des conseils clairs et communs. Le projet de loi S-244 vise à créer un conseil chargé de fournir des avis à la Commission de l’assurance-emploi afin de l’appuyer dans la prestation de conseils consensuels reposant sur une expérience concrète, mais aussi sur la réalité des entreprises et de la main-d’œuvre.

[Français]

Les associations syndicales et celles du milieu des affaires, dont les effectifs se déclinent à l’échelle nationale, provinciale, sectorielle et locale, sont ancrées sur le terrain et recueillent de l’information qualitative essentielle pour la formulation de politiques, ce qui complète et donne un sens aux données statistiques.

[Traduction]

Je veux vous faire part d’une citation de la regrettée professeure Donna Wood, qui s’est exprimée lors d’une séance de discussion organisée par la Fondation Atkinson. J’ai beaucoup parlé de son travail à l’étape de la deuxième lecture. Elle a dit :

Tous les gouvernements ont besoin d’une infrastructure de connaissances de haute qualité pour soutenir la conception et la mise en œuvre de politiques fondées sur des données probantes. Cette infrastructure comprend des organes consultatifs — permanents ou ponctuels — qui apportent aux gouvernements des renseignements, des faits, des analyses et des conseils fondés sur des données probantes à toutes les étapes du cycle d’élaboration des politiques.

Les organes consultatifs permanents ont tendance à posséder une expertise étendue et sur le long terme, tandis que les organes ponctuels servent souvent d’option « accélérée » pour les gouvernements à la recherche de conseils plus spécialisés dans des délais très courts [...]

[Français]

Il faut dire aussi que l’assurance-emploi a des conséquences sur la gestion des ressources humaines dans les entreprises. Elle influe également sur les décisions d’investissement en capital humain des travailleurs et travailleuses. Tout changement au programme d’assurance-emploi entraînera des conséquences positives ou négatives dans les décisions des entreprises et de la main-d’œuvre, d’où l’importance de tenir compte des besoins des entreprises et de la main-d’œuvre. Après tout, ils financent, par leurs cotisations, la totalité de ce programme dont les dépenses se situent à environ 30 milliards de dollars, selon les données de 2021.

Quels sont les besoins de la main-d’œuvre et des entreprises?

Le contexte économique a changé depuis la création du programme en 1940 et depuis la dernière grande réforme de 1994. Le vieillissement de la population et les pénuries de main-d’œuvre qui y sont associées, la crise climatique et les défis technologiques liés à l’utilisation de l’intelligence artificielle, pour ne nommer que ces facteurs, nécessitent des investissements majeurs dans le développement des compétences qui est, en grande partie, un domaine de compétence provinciale. Outre le besoin de soutenir les revenus des travailleurs et travailleuses lors d’interruptions involontaires dans l’emploi, ce qui est à l’origine même de l’assurance-chômage, les Canadiens ont aussi besoin d’améliorer leurs compétences.

L’enjeu du développement des compétences est souvent sous‑estimé dans les débats publics et dans les campagnes électorales. Ainsi, j’ai constaté d’expérience que certains politiciens pensent souvent que les Canadiens ne veulent pas se former et, conséquemment, évacuent cette préoccupation de leur plateforme électorale en croyant qu’elle est électoralement peu rentable.

Comment les besoins en matière de formation sont-ils perçus par les Canadiens? En dernière analyse, ce sont les Canadiens qui ont à faire face aux défis qui se posent devant eux. Ce sont eux qui doivent se former. Comment donc perçoivent-ils leurs besoins de formation?

Pour tenter de répondre à cette question, en décembre 2019, j’ai mené un sondage sur cette question avec la firme Nanos. En 2023, j’ai demandé à la même firme Nanos d’actualiser les résultats de ce sondage, afin de déterminer si la pandémie et la pause économique subséquente avaient changé les perceptions des Canadiens par rapport à leurs besoins de formation et aux menaces que font planer les changements technologiques et climatiques sur leur emploi et leur occupation. Les résultats des deux sondages vont dans le même sens et pourraient surprendre les politiciens et politiciennes de ce pays. Voici quelques résultats.

La première question portait sur les impacts des changements technologiques et climatiques sur l’emploi.

Nous avons posé la question suivante :

Selon des experts, les changements technologiques comme l’automatisation, l’arrivée de l’intelligence artificielle, le commerce en ligne et l’économie du partage [...] pourraient avoir des effets importants sur le marché du travail.

Nous avons demandé aux participants dans quelle mesure ces changements menaçaient leur emploi.

Vingt pour cent des personnes en emploi pensent que leur emploi est menacé par ces changements; c’est l’équivalent de 4 millions de Canadiens. Plus de jeunes âgés de 18 à 34 ans croient que leur emploi est menacé, et ce sont les gens de la Colombie-Britannique qui sont les plus inquiets par rapport à leur emploi.

Nous avons ensuite demandé aux participants dans quelle mesure ces changements pourraient affecter leurs tâches de travail et nécessiter de suivre de la formation.

Trente-sept pour cent des répondants en emploi pensent que leurs tâches de travail seront affectées et qu’ils auront besoin de formation; c’est 8 millions de Canadiens. Encore une fois, ce sont les jeunes qui ont répondu plus fortement par l’affirmative, soit 42 %. Ces résultats sont cohérents avec le sondage de 2019.

Nous avons ensuite questionné l’ensemble des Canadiens sur leur perception par rapport à leur déficit de compétences et sur leurs besoins plus spécifiques en matière de formation. Nous leur avons demandé lequel de ces énoncés correspondait le mieux à leur situation.

1) Je suis déjà bien formé.

2) Je suis intéressé à suivre de la formation.

3) Je suis intéressé à suivre de la formation, mais je n’ai pas le temps.

4) Je suis intéressé à suivre de la formation, mais je n’ai pas les moyens financiers.

5) Je ne suis pas intéressé à suivre de la formation.

6) Je ne sais pas.

La réponse pourra étonner les sceptiques : tout près de la moitié des Canadiens, soit 49 %, veulent suivre une formation; cela représente environ 16 millions de Canadiens. Chez les personnes qui ont un emploi à temps plein, c’est plus de trois personnes sur cinq qui veulent suivre une formation. Les jeunes gens de 18 à 34 ans manifestent encore plus d’intérêt pour la formation, soit 66 %, que les gens âgés de 55 ans et plus, qui représentent les trois quarts des gens qui ne sont pas intéressés à suivre une formation. L’intérêt pour la formation est élevé dans les Prairies, où 51 % des participants se sont dits intéressés à en suivre.

Nous avons aussi questionné les Canadiens sur le contenu de la formation privilégiée. Nous leur avons demandé s’ils étaient d’accord ou non avec les affirmations suivantes :

1) Je devrais suivre de la formation pour améliorer mes capacités de lecture;

2) mes capacités en mathématiques;

3) mes capacités en informatique comme l’utilisation des outils Internet;

4) mes compétences professionnelles.

Les formations qui suscitent le plus d’intérêt sont celles qui sont liées à l’informatique, pour 45 % des Canadiens, et les compétences professionnelles, pour 40 % des Canadiens; c’est donc environ 15 millions de Canadiens qui veulent améliorer leurs compétences en informatique et 13 millions qui souhaitent améliorer leurs compétences professionnelles.

(1700)

[Traduction]

Ces données indiquent que les besoins en matière de perfectionnement des compétences sont immenses et que les Canadiens sont conscients des difficultés et veulent apprendre. Le Canada doit miser sur la volonté des Canadiens de se perfectionner et sur la volonté des intervenants du marché du travail de contribuer au perfectionnement des compétences.

[Français]

Le programme d’assurance-emploi est déjà mis à contribution pour relever les compétences de la main-d’œuvre. Il soutient les revenus et finance les dépenses de formation pour l’adaptation de la main-d’œuvre. Toutefois, les employeurs et les travailleurs et travailleuses qui sont les bailleurs de fonds de l’assurance-emploi — et les seuls cotisants au régime — souhaitent que le régime fasse plus et mieux face aux importants défis qui se dressent devant nous.

Dans le contexte de la deuxième partie de l’assurance-emploi, où plus de 2,5 milliards de dollars sont investis chaque année au moyen des ententes en matière de main-d’œuvre, l’assurance‑emploi représente, en fait, la pierre d’assise du financement de la formation de la main-d’œuvre au Canada. Pour l’avenir économique du Canada, il est de plus en plus clair que le développement des compétences est un levier stratégique. C’est l’enjeu de ce projet de loi, qui a l’appui des principales associations liées au marché du travail, qu’elles soient issues du monde des affaires ou des travailleurs.

Voyons maintenant plus en détail le projet de loi S-244.

L’article 1 du projet de loi crée un Conseil de l’assurance-emploi dans la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

L’article 2 modifie cette même loi pour préciser en un seul article les attributions actuelles de la commission, lesquelles sont décrites ici et là dans les différents articles de la loi. Le libellé de cet article reprend les mots utilisés sur le site Web du ministère.

Je vais résumer brièvement les précisions ayant trait aux attributions de la commission. Ce sont les suivantes :

a) observer et évaluer l’aide offerte au titre de la Loi sur l’assurance-emploi et présenter un rapport annuel de son évaluation au ministre qui le dépose devant le Parlement;

b) examiner et approuver les politiques en matière d’administration des prestations d’emploi et des mesures de soutien prévues par la Loi sur l’assurance-emploi;

c) prendre des règlements en vertu de la présente loi et de la Loi sur l’assurance-emploi, sous réserve de l’agrément du gouverneur en conseil;

d) retenir les services d’un actuaire, aux termes du paragraphe 28(4) de la présente loi, pour établir des prévisions et des estimations actuarielles au titre de l’article 66.‍3 de la Loi sur l’assurance-emploi;

e) fixer, pour chaque année, le taux de cotisation à l’assurance-emploi conformément à l’article 66 de la Loi sur l’assurance-emploi;

f) travailler de concert avec le gouvernement de chaque province à la mise sur pied et à la mise en œuvre de prestations et de mesures liées à l’assurance-emploi.

La commission pourrait bénéficier de la contribution d’un conseil consultatif pour s’acquitter de ses fonctions, notamment les fonctions d’observation, d’évaluation, d’examen et d’approbation des politiques et des règlements, et les fonctions de liaison avec les provinces. C’est très important.

[Traduction]

L’article 4 constitue le corps de ce projet de loi. Le projet de loi modifie la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social en y incluant la partie 3.1, qui porte sur le Conseil de l’assurance-emploi. Cette disposition se lit comme suit :

[...] Est constitué le Conseil de l’assurance-emploi, qui est chargé de fournir des avis et des recommandations à la Commission, de sa propre initiative ou à la demande de celle‑ci, sur toute question touchant les attributions de la Commission, sous réserve des limites que peut prévoir la Commission [...]

En effet, l’article 3 du projet de loi prévoit que la commission peut limiter les questions sur lesquelles le Conseil peut fournir des avis. De cette façon, le conseil consultatif a un pouvoir d’initiative dont les limites sont fixées par la commission. Autrement dit, le projet de loi établit un équilibre entre le pouvoir ministériel et le pouvoir des partenaires du marché du travail qui siègent au conseil.

En ce qui concerne la composition du conseil, le projet de loi prévoit un minimum de 12 membres tout en assurant une représentation égale entre les travailleurs et la direction de l’organisation. Il est coprésidé par des commissaires représentant le milieu des affaires et des organisations syndicales. Les coprésidents peuvent inviter des représentants des provinces et des territoires désignés par le Forum des ministres du marché du travail ainsi que des représentants autochtones afin de mieux remplir leur mandat.

[Français]

Ce projet de loi ne peut qu’améliorer l’efficacité du programme d’assurance-emploi.

Il permettra d’obtenir des informations fiables, de tenir compte des réalités vécues par les entreprises, les travailleurs et travailleuses, ce qui facilitera l’implantation de nouvelles stratégies de développement des compétences.

Le dialogue social est pratiqué au Canada aux échelons provincial, sectoriel, de la santé et de la sécurité et de l’apprentissage, mais il est nettement insuffisant en ce qui concerne l’assurance-emploi. Au Québec, par exemple, la Commission des partenaires du marché du travail, dont j’ai longuement parlé à l’étape de la deuxième lecture, est impliquée dans la gestion de ces fonds publics, notamment ceux consacrés à la formation, qui sont principalement financés par l’assurance-emploi. Les comités sectoriels canadiens des mines et du tourisme, largement financés par l’assurance-emploi, sont également des exemples réussis de dialogue social à l’échelle du Canada.

En adoptant le projet de loi S-244, le Canada honorerait ses engagements passés, notamment la Convention no C-88 sur les services de l’emploi, ainsi que son engagement en vue de soutenir la mise en œuvre des objectifs de développement durable et du « Global Deal ». Surtout, le Canada se doterait d’un outil supplémentaire — le dialogue social — qui peut l’aider à faire face aux tendances économiques lourdes, comme le vieillissement de la population, la pénurie de main-d’œuvre, la crise climatique et les défis technologiques liés à l’utilisation de l’intelligence artificielle. Ces tendances majeures nécessiteront une adaptation rapide de la main-d’œuvre et l’acquisition constante de nouvelles compétences.

Je ne suis pas la seule à être convaincue de la nécessité de mettre en place une table permanente de dialogue social autour de ces questions, afin de développer une vision partagée entre les entreprises et les syndicats.

[Traduction]

En effet, la table ronde Emplois et compétence, organisée par mon bureau en 2019 avec la participation de la Chambre de commerce du Canada, du Congrès du travail du Canada et de Collèges et instituts Canada, a vu le jour précisément parce que de nombreux acteurs économiques souhaitaient créer une vision commune du développement des compétences et de l’apprentissage continu, dans le respect des compétences fédérales et provinciales. C’est grâce à cette table ronde que le projet de loi S-244 a vu le jour.

[Français]

La table ronde a tenu plusieurs réunions. La première a eu lieu en janvier 2020; d’autres se sont tenues en mode virtuel lors de la pandémie de la COVID-19 et ont été organisées par les commissaires représentant les employeurs et les travailleurs; une dernière réunion, que j’ai organisée avec les commissaires et avec la participation des sénateurs Cardozo et Yussuff, a eu lieu le 12 février dernier.

[Traduction]

La table ronde du 12 février a été tenue au Sénat. Les organismes suivants ont pris part à la discussion; leur but était de faire le point sur le projet de loi S-244. Pour le milieu des affaires, il y avait la Chambre de commerce du Canada, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, le Conseil du patronat du Québec, le Conseil canadien des affaires, l’Association canadienne des constructeurs d’habitations et Manufacturiers et Exportateurs du Canada. Pour les associations ouvrières, il y avait le Congrès du travail du Canada, Unifor, les Syndicats des métiers de la construction du Canada et la Confédération des syndicats nationaux. RH Tourisme Canada et le Conseil des ressources humaines de l’industrie minière ont aussi participé à l’événement.

[Français]

Les sénateurs Hassan Yussuff, Andrew Cardozo et Krista Ross ont également participé à la table ronde.

Les participants représentant le marché du travail, les entreprises et les travailleurs ont réaffirmé le besoin de créer une table permanente dans le cadre de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (CAEC) et ont exprimé le souhait que le Sénat adopte rapidement ce projet de loi, afin qu’il puisse être renvoyé à l’autre endroit.

[Traduction]

En conclusion, je voudrais remercier tous ceux qui ont contribué au projet de loi. Outre les gens mentionnés plus tôt, je tiens à remercier tout particulièrement les honorables Perrin Beatty, Diana Palmerin-Velasco et Leah Nord de la Chambre de commerce du Canada; Bea Bruske du Congrès du travail du Canada, ainsi que son ancien président le sénateur Hassan Yussuff et Chris Roberts. Je souhaite également remercier Jasmin Guénette de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante et Erin Harrison d’Unifor.

Je remercie mon équipe qui a travaillé sur ce projet de près ou de loin : Ermioni Tomaras, Julie Labelle-Morissette, Anne Allard, Jérémie Soucy et Alexandre Mattard-Michaud. Je remercie également mon coéquipier de longue date, Michel Cournoyer, économiste et ancien directeur fondateur de la Commission des partenaires du marché du travail au Québec. Enfin, je remercie tout spécialement les deux commissaires de l’assurance-emploi, Pierre Laliberté, commissaire des travailleurs et travailleuses, et Nancy Healey, commissaire des employeurs, de leur volonté de poursuivre le dialogue social entamé.

[Français]

En conclusion, j’espère vous avoir convaincus que la pratique du dialogue social est un outil puissant qui permet de mieux comprendre les besoins du marché du travail et d’implanter les meilleures solutions possibles dans un contexte où l’adhésion des acteurs est indispensable à la réalisation d’une prospérité partagée.

J’espère aussi vous avoir convaincus que la constitution d’un conseil consultatif pour la Commission de l’assurance-emploi est un pas dans la bonne direction.

Merci. Meegwetch.

(1710)

[Traduction]

L’honorable Percy E. Downe : Je vous remercie non seulement pour votre travail sur ce sujet, mais aussi pour avoir apporté à cette discussion l’expertise que vous avez acquise au cours de votre carrière.

Après avoir écouté attentivement votre discours, je crains que les particularités régionales de l’assurance-emploi ne soient prises en compte ni par le conseil ni par le comité consultatif. Nous avons bien sûr des travailleurs et des entrepreneurs syndiqués à l’Île‑du‑Prince-Édouard, mais nous n’avons pas de syndicats nationaux et d’associations nationales d’entrepreneurs. Comment refléteriez‑vous au sein de ce conseil et de ce comité consultatif l’importance régionale de l’assurance-emploi pour notre économie saisonnière?

La sénatrice Bellemare : Je vous remercie de la question, sénateur Downe.

Le conseil composé de 12 membres qui est proposé dans le projet de loi a le pouvoir d’inviter des représentants de n’importe quelle province pour les entendre. Il a également le pouvoir d’inviter des groupes autochtones pour se renseigner davantage sur leurs besoins dans le marché du travail. Ainsi, il est axé sur les besoins de la région. Si l’organisation dans votre province n’a pas une portée provinciale ou nationale au sein du Congrès du travail du Canada, de la chambre de commerce ou d’autres groupes, le conseil fixera une date et un lieu pour rencontrer les différentes provinces.

La beauté de ce projet de loi, c’est que l’assurance-emploi relève exclusivement du gouvernement fédéral. Auparavant, c’était une responsabilité provinciale, mais maintenant, elle est fédérale. Étant donné que les besoins et le régime de prestation sont situés dans la province, nous devons faire des liens entre le gouvernement fédéral, qui tient les cordons de la bourse, et les provinces, qui dépensent l’argent. Autrement, il n’y a rien. La commission et le gouvernement mènent des consultations. Ils entendent une chose ou une autre.

Comme vous le savez, la réforme de l’assurance-emploi n’a toujours pas eu lieu. Aucun progrès n’a été fait à cet égard. Ce conseil est principalement axé sur la formation au départ, avec une deuxième partie. Toutefois, avec le temps, il pourrait conseiller la commission à l’égard d’autres aspects stratégiques relatifs à l’assurance-emploi. C’est une occasion pour le gouvernement de pouvoir proposer une stratégie de développement de la main‑d’œuvre. Voilà ma réponse.

Le sénateur Downe : Je vous remercie de votre réponse, madame la sénatrice.

Je pense que ce projet de loi serait beaucoup plus solide si la représentation de chaque province et de chaque région était obligatoire, au lieu de prévoir la possibilité de nommer des gens des régions.

Par exemple, pour l’Île-du-Prince-Édouard, il serait beaucoup plus important de faire entendre l’opinion des agriculteurs et des pêcheurs, compte tenu de la nature saisonnière de l’assurance‑emploi. Mon voisin de banquette, le sénateur Black, en sait plus sur l’agriculture que moi, de même que la sénatrice Robinson, qui a été présidente d’une organisation agricole nationale. Il y a peu d’agriculteurs qui labourent des champs à l’Île-du-Prince-Édouard en ce moment. Ils ont besoin de l’assurance-emploi en attendant de pouvoir le faire.

Il en va de même pour l’industrie de la pêche. Dans un rapport publié en 2021, Ernst & Young a indiqué que l’Île-du-Prince-Édouard tirait 1 milliard de dollars de l’exportation des produits de la pêche. Cette industrie est un employeur important et joue un grand rôle dans l’économie, mais il y a très peu d’activités de pêche à cette période-ci de l’année. Il faudrait faire entendre le point de vue des agriculteurs et des pêcheurs au sein du comité et du conseil. Dans l’état actuel des choses, il est possible que leur point de vue soit entendu, mais il est probable qu’il ne le soit pas.

À mon avis, ce projet de loi pourrait être amélioré à certains égards afin de tenir compte des préoccupations régionales en matière d’assurance-emploi. Êtes-vous d’accord?

La sénatrice Bellemare : Non, sénateur Downe, je ne le suis pas, car nous avons réfléchi à ces questions dans le contexte du projet de loi.

Ce n’est pas mon projet de loi. Il a été élaboré avec les employeurs et les organisations syndicales. Nous y avons travaillé longtemps. De nombreux scénarios nous ont été présentés, mais celui-ci était le scénario réalisable et approprié pour parvenir à un résultat. C’est ainsi qu’il a été proposé.

Le lien avec les provinces se fait par l’intermédiaire du conseil, qui peut inviter des industries sectorielles et régionales. D’ailleurs, il peut inviter n’importe quel observateur pour discuter d’une question particulière. Le conseil est un conseil permanent. Il traite avec les mêmes personnes. Ces personnes établissent ensemble une relation de confiance et savent comment dépenser efficacement l’argent pour répondre aux besoins des entreprises et de la main‑d’œuvre.

Votre préoccupation est légitime. Le conseil en tiendra compte en invitant des groupes qui lui auront fait part de leurs préoccupations par écrit et qui seront entendus.

Le sénateur Downe : Je vais poser une dernière question tout en soulevant une préoccupation. En tant que Chambre qui représente les régions, il nous incombe entre autres de tenir compte des points de vue régionaux. Je soupçonne que les habitants des Maritimes qui entendent parler des changements apportés à l’assurance-emploi craignent que l’accent soit mis sur le Centre et l’Ouest du Canada, plutôt que sur le Nord ou sur le Canada atlantique. La meilleure façon de valider cette préoccupation et de répondre à celle-ci est de faire en sorte qu’il soit obligatoire, plutôt que facultatif, de tenir compte des points de vue régionaux dans le cadre du projet de loi. Selon moi, vous obtiendriez ainsi un soutien beaucoup plus important, étant donné que, comme je l’ai déjà dit, l’assurance‑emploi est importante pour notre région, car notre économie est saisonnière. Notre économie se porte bien, mais, malheureusement, dans certaines de ces industries, on ne peut pas travailler 12 mois par année.

Qui avez-vous consulté dans les Maritimes au sujet du ce projet de loi?

La sénatrice Bellemare : Le programme d’assurance-emploi est financé par les travailleurs et les entreprises de différentes régions du pays.

Nous n’avons pas mené de consultation régionale précise à ce sujet. Nous avons consulté les entreprises et les travailleurs au niveau organisationnel. Il serait très difficile de s’organiser si nous devions mettre en place un grand conseil consultatif.

Nous avons pensé qu’en organisant le tout de cette façon, c’est‑à‑dire en établissant un lien entre le conseil et le Forum des ministres du marché du travail, nous pourrions obtenir les commentaires des organisations régionales ou sectorielles sur les besoins de ces agences.

(Sur la motion de la sénatrice Patterson, le débat est ajourné.)

(1720)

Projet de loi sur la Journée internationale pour la coopération et la justice fiscales

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dalphond, appuyée par l’honorable sénatrice Bernard, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-264, Loi instituant la Journée internationale pour la coopération et la justice fiscales.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Avec le consentement du Sénat, je propose l’ajournement du débat pour le reste de mon temps de parole.

L’honorable René Cormier (Son Honneur le Président suppléant) : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

Le Code criminel
La Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Boisvenu, appuyée par l’honorable sénatrice Seidman, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-266, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Avec le consentement du Sénat, je propose l’ajournement du débat pour le reste du temps au nom du sénateur Boisvenu.

Son Honneur le Président suppléant : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

La Loi sur le droit d’auteur

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Deacon (Nouvelle-Écosse), appuyée par l’honorable sénateur Tannas, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-244, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur (diagnostic, entretien et réparation).

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à titre de porte-parole pour le projet de loi C-244, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur (diagnostic, entretien et réparation). Le projet de loi C-244 est un texte législatif bref, mais important qui vise à répondre à l’évolution rapide du monde numérique, où le croisement des technologies, des droits des consommateurs et de la conscience environnementale est devenu de plus en plus important, et nous devons faire les choses correctement.

La genèse du projet de loi C-244 remonte au début des années 2000, lorsque le mouvement pour le droit de réparer a commencé à prendre forme. En 2009, le député Brian Masse a présenté une mesure législative sur le droit de réparer, mais, après que les constructeurs automobiles ont accepté de donner aux garages indépendants l’accès aux principaux logiciels et à la formation nécessaire pour réparer les nouveaux modèles de voitures, le projet de loi n’a pas abouti.

En 2019, le député provincial de l’Ontario Michael Coteau a présenté le projet de loi 72 qui aurait accordé le droit de réparer les produits électroniques, mais il a été rejeté à l’étape de la deuxième lecture.

En 2021, le député Bryan May a présenté le projet de loi C-272, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur (diagnostic, entretien ou réparation). Le projet de loi a été adopté à l’étape de la deuxième lecture, mais il est mort au Feuilleton lorsque les élections fédérales de 2021 ont été déclenchées cette année-là.

Le projet de loi que nous étudions aujourd’hui n’est pas un effort législatif isolé au Canada. Il reflète un débat mondial sur le droit de réparer qui prend de l’ampleur et qui vise à rétablir, à l’ère du numérique, l’équilibre entre les consommateurs et les fabricants. Il reflète des initiatives similaires qui ont pris de l’ampleur dans le monde entier, en réaction à une prise de conscience croissante du besoin d’un plus grand pouvoir pour les consommateurs et d’une plus grande responsabilité environnementale.

Aux États-Unis, plusieurs États ont adopté des lois sur le droit de réparer, en particulier dans le secteur automobile, ce qui a permis non seulement d’accroître les moyens d’action des consommateurs, mais aussi de dynamiser le secteur de la réparation indépendante, aujourd’hui florissant. Notre collègue le sénateur Colin Deacon, parrain du projet de loi au Sénat, y a d’ailleurs fait référence dans son discours à l’étape de la deuxième lecture.

Dans l’Union européenne, une loi similaire a fait augmenter sensiblement la longévité des produits électroniques. Les fabricants sont désormais tenus de fournir des pièces de rechange, ce qui facilite les réparations tout en réduisant la quantité de déchets. Une telle loi est également susceptible d’ouvrir de nouveaux horizons commerciaux en matière de diagnostic à distance, ce qui réduirait le temps de déplacement des techniciens dans les régions rurales, sans compter que les techniciens-réparateurs indépendants agréés pourraient utiliser les bonnes pièces et les bonnes instructions de réparation.

L’Australie chemine également vers l’adoption de politiques sur le droit de réparer, en particulier dans les secteurs de l’automobile et de l’agriculture. Le gouvernement australien a reconnu la nécessité pour les consommateurs et les réparateurs indépendants d’avoir un accès équitable aux renseignements, aux outils et aux pièces nécessaires à la réparation et à l’entretien des véhicules et de la machinerie.

Pour le consommateur comme pour le libre marché, la concurrence est une bonne chose.

Chez nous, le Québec a adopté en octobre dernier la loi 29, intitulée « Loi protégeant les consommateurs contre l’obsolescence programmée et favorisant la durabilité, la réparabilité et l’entretien des biens ».

Le projet de loi C-244 vise à modifier la Loi sur le droit d’auteur en modernisant la définition de « mesure technique de protection » et en l’appliquant aux logiciels et aux programmes informatiques intégrés dans un produit. Il permettrait de contourner une mesure technique de protection à des fins de diagnostic, d’entretien et de réparation.

Telle qu’elle est rédigée, la Loi sur le droit d’auteur empêche le contournement des mesures techniques de protection, ou clés numériques, afin de réparer des appareils électroniques. Ce changement vise à promouvoir ce qu’on pourrait appeler un écosystème numérique plus équitable et durable. La situation actuelle désavantage généralement les consommateurs, qui sont liés par des politiques qui limitent leur capacité à réparer, diagnostiquer ou entretenir leurs appareils électroniques.

En plus de limiter la liberté des consommateurs, cela contribue à une culture où tout est jetable, ce qui aggrave l’impact environnemental des déchets électroniques. À défaut de pouvoir réparer son appareil, le consommateur n’a d’autre choix que de le jeter et d’en acheter un neuf.

L’importance de ce projet de loi est soulignée par des précédents tels que l’affaire Nintendo, qui a mis en lumière la nature restrictive des dispositions anti-contournement de nos lois actuelles sur le droit d’auteur. L’affaire Nintendo au Canada — anciennement connue sous la désignation de Nintendo of America Inc. c. King — a été une décision cruciale de la Cour fédérale qui a grandement influencé la politique publique canadienne en matière de mesures techniques de protection. Dans cette affaire, Nintendo s’est vu attribuer des dommages-intérêts d’un montant de plus de 12 millions de dollars. Ce montant substantiel était basé sur l’application de dispositions anti-contournement dans le cadre du droit d’auteur existant. Cette décision a eu un effet considérable sur la manière dont les mesures techniques de protection sont considérées et traitées dans le droit canadien.

En juin 2019, lors de l’examen de la Loi sur le droit d’auteur par le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie, la décision Nintendo a été spécifiquement mentionnée. Le comité a noté ceci :

La Cour fédérale a finalement donné une interprétation large et libérale des dispositions régissant les « verrous numériques » : dans la mesure où un composant contrôle efficacement l’accès à l’œuvre ou l’utilisation de l’œuvre, il s’agit d’une [mesures techniques de protection, MTP] aux termes de la Loi. La Cour a également tranché que même la configuration physique d’une œuvre pourrait constituer une MTP — en l’occurrence la forme des cartouches de jeu Nintendo qui, en étant conçue pour permettre une insertion dans le lecteur correspondant de chaque console Nintendo, « fonctionn[e] en quelque sorte comme une serrure et une clé ».

L’affaire a servi d’exemple éloquent de la situation. C’est notamment pour cette raison qu’on a recommandé au gouvernement du Canada de réexaminer ses politiques en matière de droit d’auteur. On peut lire ce qui suit dans le rapport du comité :

Le Comité reconnaît que les [mesures techniques de protection], lorsqu’elles sont utilisées efficacement, revêtent toujours de l’importance — à tout le moins dans certains secteurs — et que le Canada a des obligations internationales à honorer à cet égard. Il souscrit toutefois à l’idée qu’il devrait être possible de contourner les [mesures techniques de protection] à des fins qui n’impliquent pas une violation du droit d’auteur, d’autant plus que l’affaire Nintendo a ouvert la voie à une interprétation large des [mesures techniques de protection]. Autrement dit, des règles anti-contournement devraient permettre le recours aux [mesures techniques de protection] afin de rendre possible la rémunération des titulaires de droits et de prévenir la violation du droit d’auteur, mais elles ne devraient généralement pas empêcher une personne de commettre un acte qui est autrement permis par la Loi. Le Comité recommande donc :

[...] Que le gouvernement du Canada se penche sur des mesures pour moderniser les politiques relatives au droit d’auteur en ce qui concerne les technologies numériques qui ont une incidence sur les Canadiens et les institutions canadiennes, y compris la pertinence des mesures techniques de protection dans le contexte du droit d’auteur, notamment pour faciliter l’entretien, la réparation ou l’adaptation d’un appareil acquis légalement à des fins qui ne portent pas atteinte au droit d’auteur.

Cette recommandation reflète le fait que le besoin d’atteindre un équilibre est de plus en plus reconnu : il faut tenir compte de la protection des droits d’auteur, mais aussi des droits des consommateurs et de l’utilisation concrète des technologies au quotidien.

D’une façon similaire, les problèmes auxquels le secteur agricole est confronté — quand des agriculteurs ne sont pas en mesure de réparer leur propre équipement — illustrent la nécessité d’une réforme. En règle générale, les agriculteurs dépendent d’un commerçant autorisé par le fabricant d’équipement d’origine pour déverrouiller l’équipement, fournir des pièces, déterminer les bris et les réparer. Cette dépendance peut mener à des retards et à des coûts additionnels comme il y a souvent quelques commerçants centralisés qui desservent une vaste région. Le fait qu’il faille attendre que le fabricant de l’équipement d’origine puisse fournir les services peut être critique, surtout en raison des contraintes de temps dans le secteur agricole. Cette limite constitue un problème important et elle a mené à la nécessité d’exceptions précises permettant le contournement des verrous numériques afin qu’il soit possible de réparer les appareils utilisant un logiciel.

(1730)

Les modifications à la Loi sur le droit d’auteur prévues dans le projet de loi C-244 feraient en sorte que contourner les mesures techniques de protection ne constitue plus une violation lorsque le seul but est d’effectuer tout diagnostic, tout entretien ou toute réparation sur un produit. Cela signifie que les consommateurs et les ateliers de réparation pourraient réparer des produits en toute légalité sans crainte de représailles juridiques des détenteurs des droits d’auteur.

En tant que porte-parole pour le projet de loi C-244, j’appuie le principe du projet de loi, mais j’espère que les questions et les préoccupations soulevées par ses opposants seront étudiées de près au comité; on n’y a pas répondu à l’autre endroit et elles requièrent un examen plus approfondi. Permettez-moi de vous présenter un certain nombre de ces questions et préoccupations.

Premièrement, les fabricants soutiennent souvent que les lois sur le droit de réparer peuvent compromettre leurs propriétés intellectuelles. Ils craignent que des informations sensibles comme des concepts exclusifs ou des procédés de fabrication deviennent accessibles, ce qui risquerait d’entraîner la production de contrefaçons et le vol de propriété intellectuelle.

Deuxièmement, en ce qui concerne la sécurité et la responsabilité, certains s’inquiètent de la possibilité que l’autorisation des réparations par les consommateurs ou par les ateliers entraîne des problèmes de sécurité. Une réparation mal faite pourrait rendre un appareil dangereux ou non conforme aux normes réglementaires et les fabricants craignent d’être tenus responsables d’accidents ou de problèmes découlant de telles réparations.

Troisièmement, à propos des normes de qualité et de rendement, les fabricants prétendent que les réparations effectuées par des personnes non autorisées risquent de ne pas satisfaire aux normes de qualité et de rendement établies par le fabricant du produit original. Cela pourrait faire en sorte que des appareils ne fonctionnent pas comme prévu, aient un cycle de vie écourté ou ne répondent plus aux exigences en matière d’émissions.

Quatrièmement, il y a des préoccupations en matière de sécurité. Dans le cas des appareils qui enregistrent ou transmettent des données de nature délicate, comme les téléphones intelligents et les ordinateurs, on craint que des réparateurs tiers ajoutent des vulnérabilités sur le plan de la sécurité, ce qui pourrait mener à des fuites de données ou à d’autres incidents liés à la sécurité. C’est particulièrement vrai dans le secteur de l’automobile. Que se passe‑t-il si les mesures techniques de protection des principales fonctions opérationnelles sont contournées par erreur sur une voiture autonome, entraînant ainsi une atteinte aux données, une défaillance critique ou des préjudices physiques? Quelles sont les mesures de protection prévues pour le consommateur et le fabricant?

Cinquièmement, en ce qui concerne les répercussions économiques, certains fabricants soutiennent que le droit de réparer pourrait avoir des effets négatifs sur leurs modèles d’affaires, qui incluent souvent les recettes tirées du service après-vente et des réparations. On se préoccupe aussi des répercussions potentielles sur l’innovation et les investissements dans de nouveaux produits.

Sixièmement, il y a l’enjeu de la complexité de la technologie moderne. Les opposants soutiennent que les appareils électroniques modernes sont souvent très complexes et exigent des connaissances spécialisées ainsi que des outils spéciaux pour la réparation. Ils laissent entendre que, sans la formation et l’équipement adéquats, les réparations pourraient être inefficaces ou endommager encore plus l’appareil.

Septièmement, sur le plan de la garantie et de la réputation de marque, il y a lieu de craindre que les réparations faites à l’extérieur du réseau du fabricant annulent les garanties ou affaiblissent la réputation de marque si les consommateurs confondent la mauvaise qualité des réparations avec le produit original.

Quand vous n’êtes pas propriétaire d’une chose, dans quelle mesure avez-vous la permission ou le droit de la réparer? Je suis propriétaire d’un réfrigérateur et d’un camion qui a 16 ans, mais si j’étais agriculteur, je louerais une moissonneuse-presse à fourrage; elle ne m’appartiendrait pas. Quelles protections me permettent de faire réparer une machine spécialisée par un technicien local, à faible coût et dès que possible, au lieu d’attendre plusieurs semaines qu’un réparateur rattaché au fabricant d’équipement d’origine fasse un trajet de quelques heures ou de quelques jours pour venir jusqu’à ma ferme?

Chers collègues, déterminer le moment de la récolte suppose une danse délicate qui tient compte des prévisions de la météo, des travailleurs, de la capacité d’entreposage disponible, de la maturité du produit et de l’équipement.

Ajoutons qu’il y a aussi des défis juridiques et réglementaires. Les fabricants voient la mise en œuvre d’un droit à la réparation comme un défi réglementaire : ils craignent d’avoir à jongler avec des lois différentes d’une région à l’autre, qu’il serait donc compliqué de respecter.

En ce qui concerne les coûts liés aux ressources et à la conformité, la nécessité de fournir des manuels de réparation, des pièces et des outils au public ou à des réparateurs tiers peut être vue comme un fardeau supplémentaire considérable, particulièrement pour les petits fabricants. Le respect des règles en ce sens pourrait faire grimper les coûts, ce qui risquerait de se répercuter sur le prix des produits et les faibles marges de profit des fabricants.

Enfin, parlons un peu des secrets commerciaux et des avantages concurrentiels. Certains craignent que si on rend publics les renseignements nécessaires aux réparations, ceux-ci pourraient révéler par mégarde les secrets commerciaux du fabricant ou permettre à ses concurrents de saisir des détails de certains processus ou technologies brevetées.

Chers collègues, les préoccupations relatives au projet de loi sur le droit de réparer sont axées sur les répercussions négatives possibles sur la sûreté, la sécurité, la propriété intellectuelle, la viabilité économique et l’intégrité générale des produits et des services. Elles soulignent la nécessité d’une approche équilibrée qui protège les consommateurs tout en sauvegardant les intérêts et les responsabilités des fabricants.

Chers collègues, je me permets de parler clairement. En principe, je soutiens l’esprit et l’intention du projet de loi C-244. Ce projet de loi vise à renforcer les droits des consommateurs, à encourager la responsabilité environnementale et la concurrence, et à favoriser la croissance économique. Il représente une évolution vers un avenir plus durable et plus équitable, où la technologie sert les besoins de la population, et non l’inverse. Toutefois, il est impératif qu’il soit examiné avec soin, en vue de cerner les préoccupations qui ont été soulevées concernant sa mise en œuvre et d’y répondre.

En principe, le projet de loi C-244 présente de nombreux avantages, notamment l’autonomie et le droit légal pour les consommateurs de réparer les produits qu’ils possèdent, la correction d’un déséquilibre de pouvoir entre le consommateur et le fabricant, le découragement d’une culture du consommé-jeté à une époque où les préoccupations environnementales s’intensifient, et la promotion de la compétitivité et de l’innovation.

Il vise à transférer le pouvoir des fabricants aux consommateurs, en veillant à ce que les individus aient la liberté de réparer leurs propres biens et la latitude pour le faire. Cette responsabilisation pourrait entraîner des économies importantes pour les consommateurs, qui ne seront plus obligés de remplacer ou de payer des réparations coûteuses ou inaccessibles pour les produits qu’ils possèdent.

En encourageant la réparation et la réutilisation des produits, nous réduisons considérablement les déchets électroniques, l’un des flux de déchets qui croît le plus rapidement au monde. Le projet de loi s’aligne sur nos objectifs nationaux en matière d’environnement, en favorisant une économie circulaire qui valorise l’utilisation responsable des ressources et une bonne gestion de l’environnement.

Chers collègues, je vous encourage à appuyer le projet de loi à l’étape de la deuxième lecture afin qu’il puisse être étudié de manière réfléchie et attentive au comité. Nous devons faire les choses correctement. Merci.

L’honorable Colin Deacon : Sénateur Wells, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Wells : Oui.

Le sénateur C. Deacon : Sénateur Wells, vous avez fait un bien meilleur travail que moi en exprimant de manière concise l’intention de ce projet de loi. Je vous en félicite. J’ai parlé plus longuement et j’ai raconté quelques autres anecdotes. Je vous remercie sincèrement d’avoir pris le temps de tout résumer.

Dans vos discussions avec les gens qui vous faire part de leurs préoccupations au sujet du projet de loi, avez-vous envisagé la possibilité de répondre à ces préoccupations par d’autres moyens que l’amendement du projet de loi? La plupart d’entre eux ont proposé un amendement pour protéger leur secteur et l’exempter de quelque chose. Je me suis alors rendu compte que le problème résidait dans le fait que d’autres règlements, d’autres champs de compétence — comme les contrôles de santé et de sécurité, les règlements sur le transport et ainsi de suite — ne tenaient pas compte des préoccupations soulevées, et que ces gens comptaient plutôt sur les mesures techniques de protection. Or, ces mesures ne sont pas aussi optimales que des règlements à jour.

Je voulais savoir si vous aviez eu des discussions en ce sens parce que j’ai trouvé que c’était un thème commun dans chaque domaine où on cherchait des exemptions.

Le sénateur Wells : Je vous remercie de votre question, sénateur Deacon. Bien que j’appuie en principe le projet de loi dans mon discours, il comporte des éléments problématiques que nous devons vraiment examiner. Peu de gens m’ont approché pour me dire qu’ils s’opposent au projet de loi. C’est la direction que nous prenons. C’est la direction que prend l’Europe. C’est la direction que prennent de nombreux États chez notre voisin du Sud. Je pense que c’est inévitable. Le résultat final, lui, ne l’est pas encore.

De nombreuses organisations, surtout des associations sectorielles, m’ont approché pour me dire qu’ils appuient le projet de loi. Je pose ces questions et j’obtiens quelques réponses, mais je ne sais pas si elles s’appliquent à tous les domaines. C’est une bonne question. Je ne sais pas. J’espère que les organisations comparaîtront devant le comité, où nous pourrons tous poser les questions sur ce qui cloche avec le projet de loi.

Vous vous souviendrez que, lors du discours que vous avez récemment prononcé à l’étape de la deuxième lecture, j’ai dit : « C’est tellement bon. Qui oserait demander à mettre un frein au projet de loi? » Personne ne l’a encore fait dans mon bureau, mais je suis sûr que cela se produira au comité.

Le sénateur C. Deacon : Je suis d’accord. Je suis heureux que nous ayons eu cette brève conversation et que vous ayez soulevé ces préoccupations afin qu’elles puissent être examinées au comité, puis renvoyées au Sénat accompagnées de très bonnes idées. Merci, sénateur Wells.

(1740)

Le sénateur Wells : Merci. Je suis d’accord avec vous sur cette question.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Français]

L’étude sur les questions concernant la sécurité et la défense dans l’Arctique

Adoption du sixième rapport du Comité de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants et de la demande de réponse du gouvernement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dean, appuyée par l’honorable sénatrice Boniface,

Que le sixième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants, intitulé La sécurité de l’Arctique menacée : Des besoins urgents dans un paysage géopolitique et environnemental en évolution, qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le 28 juin 2023, soit adopté et que, conformément à l’article 12-23(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de la Défense nationale étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre des Affaires du Nord, le ministre des Affaires étrangères, le ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales et le ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne.

Son Honneur le Président suppléant : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Les travaux du Sénat

L’honorable Lucie Moncion : Votre Honneur, vous avez passé rapidement par-dessus l’article no 53 et vous êtes arrivé à un vote. Je pense que les gens ne s’attendaient pas à cela, parce que le sénateur Dean devait prendre la parole.

Il faudrait peut-être revérifier?

[Traduction]

L’article 53. Êtes-vous d’accord pour que nous revenions en arrière, sénateur Dean? Je croyais que le sénateur Housakos était censé proposer l’ajournement.

L’honorable Tony Dean : Je propose l’adoption de la motion inscrite à mon nom.

Son Honneur le Président suppléant : Elle a déjà été proposée et adoptée.

Le sénateur Dean : Elle a été adoptée?

Son Honneur le Président suppléant : Oui, elle a été adoptée.

Le sénateur Dean : Merci. Voilà qui s’est fait bien vite.

[Français]

Le Sénat

Motion tendant à exhorter le gouvernement à mettre en œuvre la huitième recommandation du premier rapport du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Omidvar, appuyée par l’honorable sénatrice Dasko,

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à mettre en œuvre la huitième recommandation du premier rapport du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance, intitulé Catalyseur du changement : une feuille de route pour un secteur de la bienfaisance plus robuste, adopté par le Sénat le 3 novembre 2020, durant la deuxième session de la quarante-troisième législature, proposant que l’Agence du revenu du Canada inclue des questions dans les formulaires T3010 (pour les organismes de bienfaisance enregistrés) et T1044 (pour les organismes sans but lucratif constitués en vertu d’une loi fédérale) au sujet de la représentation de la diversité dans les conseils d’administration en fonction des lignes directrices existantes sur l’équité en matière d’emploi.

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Motion tendant à exhorter le gouvernement à adopter l’antiracisme en tant que sixième pilier de la Loi canadienne sur la santé—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que le Sénat du Canada exhorte le gouvernement fédéral à adopter l’antiracisme en tant que sixième pilier de la Loi canadienne sur la santé, en vue d’interdire toute discrimination basée sur le racisme et d’offrir à chacun le droit égal à la protection et au bienfait de la loi.

L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est à son 15e jour. Je ne suis pas prête à intervenir. Avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 4-15(3) du Règlement, je propose l’ajournement du débat pour le temps de parole qu’il me reste.

Son Honneur le Président suppléant : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

Un avenir à zéro émission nette

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Coyle, attirant l’attention du Sénat sur l’importance de trouver des solutions pour faire la transition de la société, de l’économie et de l’utilisation des ressources du Canada dans la poursuite d’un avenir juste, prospère, durable et paisible à zéro émission nette pour notre pays et la planète.

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, le débat sur ce point a été ajourné au nom de la sénatrice Clement. Je demande le consentement du Sénat pour que, à la suite de mon intervention, le reste de son temps de parole lui soit réservé.

Son Honneur le Président suppléant : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président suppléant : Il en est ainsi ordonné.

Le sénateur Loffreda : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de l’interpellation de la sénatrice Coyle sur l’importance de trouver des solutions pour assurer la transition de la société, de l’économie et de l’utilisation des ressources du Canada vers un avenir juste, prospère, durable et pacifique à zéro émission nette, aussi bien pour notre pays que pour la planète.

Les phénomènes météorologiques extrêmes des dernières années nous rappellent de façon troublante les répercussions des changements climatiques. L’été dernier, quand j’étais en Italie, d’accablantes vagues de chaleur ont obligé les gens à rester à l’intérieur. Année après année, le monde fracasse des records de chaleur. Il s’agit d’un problème mondial qui nécessite une approche internationale où tout le monde met la main à la pâte. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, beaucoup auraient rejeté les appels en faveur d’une meilleure gérance de l’environnement.

En 2024, la plupart des Canadiens conviendront que les changements climatiques sont réels et que nous devons travailler ensemble pour respecter l’engagement pris à Paris par le Canada et 194 autres pays en vue de limiter la hausse de la température mondiale.

Les sondages continuent de démontrer que les Canadiens sont de plus en plus préoccupés par l’environnement. En septembre, un sondage Léger a révélé que 72 % des Canadiens sont inquiets ou très inquiets des changements climatiques.

Pourtant, ce même sondage révèle que les changements climatiques sont la principale préoccupation de seulement 7 % des Canadiens. L’inflation était en tête de liste pour 33 % des répondants. L’abordabilité du logement suivait avec 16 %, puis la hausse des taux d’intérêt, à 8 %. Cela révèle que les Canadiens sont plus préoccupés par leur portefeuille que par les changements climatiques.

Nous ne pouvons pas leur en tenir rigueur. De nombreux Canadiens, voire la majorité, n’ont pas encore été directement ou gravement touchés par les changements climatiques, au point que leur vie ou leur portefeuille s’en trouve bouleversé ou déstabilisé.

Plus nous tardons à nous attaquer véritablement aux changements climatiques, plus le coût financier de notre inaction augmente. Il est dangereux d’ignorer ce problème, car les températures augmentent et les coûts s’accroissent. Or, nous pouvons obtenir des résultats concrets en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

Cependant, comment y parvenir? Pour le Canada, ce ne sera pas facile.

En tant que pays riche en combustibles fossiles, le Canada est souvent au premier plan des discussions relatives aux émissions de gaz à effet de serre. En 2020, le Canada était le deuxième plus grand émetteur par habitant du monde, juste derrière l’Arabie saoudite, bien que nous ne représentions que 1,5 % des émissions mondiales.

Pourtant, à mon humble avis, le Canada est un leader mondial grâce, en partie, à l’engagement du gouvernement à lutter contre les changements climatiques et à atténuer leur effet sur les collectivités canadiennes. Notre bilan n’est pas parfait, mais nous pouvons être fiers du leadership du Canada. Comme l’indique la Banque Royale du Canada, et je partage son point de vue, « la position de départ du Canada en matière de politique climatique est solide, grâce à la robustesse de la tarification du carbone, des règlements et des dépenses actuelles. »

Je sais que nous devons en faire plus, mais nous avons déjà fait de grands progrès jusqu’à présent.

Heureusement, et c’est tout à notre honneur, le Canada possède l’un des réseaux électriques les plus propres du monde. Pour atteindre nos objectifs en matière d’émissions de gaz à effet de serre, il faut commencer par rendre notre électricité plus écologique.

Le gouvernement convient que l’économie propre dépendra presque entièrement de l’électricité propre. Le Canada est déjà dans une position enviable puisque 83 % de son électricité provient de sources à émission nulle telles que l’hydroélectricité, l’énergie éolienne, l’énergie solaire et l’énergie nucléaire. La bonne nouvelle, c’est que le solaire et l’éolien sont de plus en plus attrayants pour les investisseurs et qu’ils peuvent produire de l’électricité à des tarifs plus avantageux.

En tant que sénateur du Québec, je suis particulièrement fier de notre statut de superpuissance de l’électricité propre grâce à l’hydroélectricité, une ressource renouvelable, fiable et abordable, qui représente 94 % de l’électricité de la province.

Le Canada est également largement considéré comme un leader en raison de sa tarification du carbone. Même si cette mesure est controversée dans certains milieux — et c’est compréhensible —, la tarification de la pollution reste l’un de nos meilleurs outils pour réduire les émissions en adoptant des carburants plus propres et en utilisant l’énergie de manière plus efficace.

(1750)

Je reconnais que de nombreux ménages ont des difficultés financières et que la taxe sur le carbone est un fardeau supplémentaire pour eux, mais nous savons que la Remise canadienne sur le carbone, comme on l’appelle maintenant, aide les particuliers et les familles à compenser le coût de la tarification fédérale de la pollution.

Comme Dale Beugin et Chris Ragan nous l’ont rappelé récemment :

[…] la plupart des ménages – surtout ceux à faible revenu – reçoivent plus qu’ils ne dépensent en carbone. Contrairement à l’opinion populaire, cette façon de faire ne vient pas miner l’efficacité du système : les ménages qui prennent des mesures pour réduire leurs émissions n’ont pas à payer pour le carbone et reçoivent un remboursement.

L’atteinte de nos cibles climatiques coûtera cher. Cependant, nous ne pouvons pas nous permettre de rester assis sur nos lauriers. Comme nous le rappelle souvent la sénatrice Galvez, les coûts relatifs au rétablissement en cas de catastrophes naturelles et de phénomènes météorologiques violents montent en flèche. En effet, selon le Bureau d’assurance du Canada, les conditions météorologiques extrêmes ont entraîné des coûts d’environ 3,1 millions de dollars en dommages assurés au Canada en 2022, la troisième pire année jamais enregistrée.

Or, que pouvons-nous faire au-delà de la tarification du carbone? Il y a quelques années, le Wall Street Journal a publié une série d’articles très intéressants sur la manière dont le monde peut réduire sa consommation de combustibles fossiles et ses émissions. Tout d’abord, ces articles proposent que le gouvernement oblige les propriétaires de charbon, de pétrole et de gaz naturel à laisser ces combustibles dans le sol. Personnellement, je ne pense pas que cela soit faisable ou réaliste à l’heure actuelle, car le monde a encore besoin de combustibles fossiles et je pense que le Canada a un rôle de premier plan à jouer. Comme l’a dit un jour le premier ministre : « Alors que les pays du monde entament la transition écologique, il y aura encore une demande pour nos ressources existantes. »

Le premier ministre a poursuivi en disant :

Nous devrions [...] mettre à profit ce que nous possédons et investir les retombées dans notre avenir. Nous pouvons ainsi faire avancer la transition écologique qui est déjà à notre portée.

Je suis d’accord avec lui.

Le Wall Street Journal avance également que les nouvelles technologies aideront à résoudre le problème. Je suis d’accord. La recherche et le développement ouvriront la voie. Le Canada est à la pointe de la recherche et du développement dans de nombreux secteurs et investit des milliards de dollars dans les énergies propres et les entreprises vertes. Par exemple, nous sommes un chef de file mondial dans le domaine de l’énergie nucléaire. Nous devons tirer profit de cette expertise.

Enfin, le Wall Street Journal nous rappelle que la solution qui est peut-être la plus évidente serait de consommer moins. Les entreprises et les ménages doivent être incités à consommer moins d’énergie et à opter pour des solutions plus propres. Voici ce que nous suggère ce journal :

La solution la plus simple est d’avoir recours à la taxation pour forcer les entreprises à internaliser le coût du carbone. Les énergies propres deviennent alors plus attirantes, pas parce qu’elles deviennent de moins en moins chères, ce qui serait l’idéal, mais parce que les combustibles fossiles deviennent plus chers. Au bout du compte, plus le coût sera élevé, plus la consommation devrait être faible.

Cela me rappelle l’histoire du politicien qui demande à une foule de supporteurs : « Qui veut du changement? » Tout le monde lève la main et acclame le politicien, puis il demande : « Qui est prêt à faire des changements dans sa vie? » Silence radio. Pour changer nos comportements et notre relation à la consommation énergétique, il faudra des efforts et des sacrifices individuels et collectifs. Évidemment, on oublie souvent que l’électron qui coûte le moins cher et qui pollue le moins est celui qui n’est pas utilisé. Alors, qu’en est-il de la situation au Canada?

Le pays est le quatrième producteur de pétrole en importance et le cinquième producteur de gaz en importance. Les industries pétrolière et gazière au Canada ont généré des milliards de dollars qui ont été réinjectés dans l’économie du pays, dans son système de santé et dans ses écoles. En 2021, le secteur générait 7,2 % du PIB nominal du Canada, ce qui représente 168,2 milliards de dollars, et il employait plus de 440 000 Canadiens, dont 10 000 Autochtones.

Dans ce contexte, le Canada demeure résolu à attaquer de front cette crise mondiale. La pression est de plus en plus forte, surtout dans un contexte où nous essayons de suivre le rythme des États‑Unis, qui ont fait des investissements dans l’économie à faibles émissions une priorité absolue. Grâce à l’Inflation Reduction Act, « [...] les États-Unis ont non seulement rétabli leur crédibilité en matière climatique, mais ont aussi changé les règles », selon un rapport de la RBC.

Le rapport dit aussi ceci :

[...] Les États-Unis sont maintenant un important investisseur dans l’économie à faibles émissions à l’échelle mondiale. Le Canada devra redoubler d’efforts pour soutenir la concurrence afin d’attirer les investissements liés à la lutte aux changements climatiques.

Selon la Banque Royale du Canada, si le Canada veut sortir gagnant dans l’économie de l’ère de l’Inflation Reduction Act, il doit agir de manière plus stratégique. Il nous faut une politique industrielle axée sur des activités économiques à forte valeur ajoutée dans des domaines où nous avons un avantage sectoriel. Le captage du carbone en est un exemple. Les auteurs préconisent ce qui suit :

En favorisant le déploiement de la technologie de captage du carbone à l’échelle nationale, le Canada peut réduire les émissions, améliorer davantage la technologie et développer une industrie nationale qui exporte de l’équipement de captage du carbone et son expertise à l’échelle mondiale.

Nous devons exploiter nos talents et nos forces. J’ai été heureux de constater que le gouvernement propose, dans le projet de loi C-59, un crédit d’impôt à l’investissement remboursable aux entreprises admissibles pour l’équipement admissible de captage, d’utilisation et de stockage du carbone.

Nous savons que la transition vers la carboneutralité sera coûteuse. La modélisation de la Banque Royale du Canada nous indique que la transition coûtera 2 billions de dollars au Canada d’ici 2050. Selon ses estimations, les gouvernements, les entreprises et les collectivités devront dépenser au moins 60 milliards de dollars par année pour réduire les émissions du Canada de 75 % par rapport aux niveaux actuels. C’est une hausse considérable par rapport aux 15 milliards de dollars par année qu’on dépense actuellement au Canada.

Les prévisions à l’échelle planétaire varient. Selon Barclays, la transition coûtera de 100 à 300 billions de dollars d’ici 2050. Pour mettre les choses en contexte, le PIB mondial annuel actuel est d’environ 100 billions de dollars. McKinsey est d’avis qu’il faudra 275 billions de dollars pour effectuer la transition entre 2021 et 2050, ce qui représente une moyenne de 9,2 billions de dollars par année, tandis que l’Agence internationale de l’énergie parle de dépenses annuelles d’environ 4,5 billions de dollars.

Peu importe que l’on se fie aux estimations plus conservatrices ou aux plus ambitieuses, la somme d’argent est monumentale. Jetons un coup d’œil uniquement au secteur de l’électricité.

L’été dernier, le Forum des politiques publiques a publié un plan directeur sur la façon de faire croître plus rapidement l’approvisionnement en électricité propre canadienne. Il nous a rappelé que la demande d’électricité devrait doubler d’ici 2050 et que nous devons donc assainir le réseau actuel tout en veillant à ce que l’augmentation de puissance du parc de production se fasse sans émission additionnelle. Le coût de la transformation vers l’électricité propre varie entre 1,1 et 1,7 billion de dollars, soit presque la taille de toute l’économie canadienne en 2023.

Comme je l’ai mentionné plus tôt, nous sommes également dans une réalité post-pandémique où nos concitoyens éprouvent des difficultés sur le plan financier. Beaucoup de Canadiens s’attendent à ce que le gouvernement les appuie. Dire qu’il y a des intérêts contradictoires est un euphémisme. En tant que sénateurs, nous rencontrons régulièrement des intervenants et entendons leurs témoignages devant les comités. Ils défendent diverses causes louables, et ils ont habituellement une chose en commun : ils veulent une plus grande aide financière du gouvernement.

En réalité, les ressources financières du gouvernement sont limitées. En dépit de ces limites, et tout compte fait, je crois vraiment que les gouvernements et les Canadiens en général sont résolus à combattre les changements climatiques.

En terminant, j’aimerais revenir à ce que j’ai dit au début de mon intervention. Le Canada est un chef de file mondial, et nous devrions être fiers de notre bilan. Personnellement, je suis d’avis que nous sommes trop souvent critiques à l’égard de nos faiblesses. Nous devrions plutôt reconnaître nos réalisations et ce que nous faisons pour combattre les changements climatiques et pour en atténuer l’impact. Bien sûr, nous pourrions en faire davantage, et même accélérer le rythme, mais il faut agir de manière intelligente.

Je comprends l’urgence de la situation, mais il s’agit d’une transition, ce qui suppose que c’est un processus qui ne se fera pas du jour au lendemain. Certains veulent que nous mettions la pédale au plancher, tandis que d’autres souhaitent une transition harmonieuse et progressive, sans trop de perturbations. Trouver le juste équilibre est le plus grand défi que nous devons relever en tant que communauté mondiale.

Nous ne devons jamais perdre de vue que nous vivons dans un pays riche et industrialisé, alors que de nombreux pays en développement n’ont qu’un accès limité à l’électricité et vivent encore dans une situation de pauvreté énergétique.

Les émissions de gaz à effet de serre ne connaissent pas de frontières, c’est pourquoi nous avons besoin d’un plan d’action mondial. Le défi qui nous attend est de taille, mais les occasions sont gigantesques. Le Canada est particulièrement bien placé pour montrer la voie dans de nombreux secteurs afin de contribuer à la réduction des émissions mondiales. Je pense notamment au gaz naturel liquéfié de la Colombie-Britannique. Nous devons agir avec détermination.

Cela me rappelle un extrait du rapport de 2017 du Comité sénatorial de l’énergie intitulé Positionner le secteur de l’électricité canadien : vers un avenir restreint en carbone :

[…] dans la lutte contre le changement climatique, les efforts déployés par chacun des pays s’additionnent; ce n’est que par l’action collective qu’on viendra à bout du problème. Sans efforts concertés de notre part pour atteindre nos propres objectifs, comment pouvons-nous, en tant qu’économie avancée, demander à d’autres pays d’atteindre les leurs? Il y va de la réputation et de la crédibilité du Canada dans le monde.

Pour ma part, je pense que la crédibilité du Canada est intacte. Le monde sait que nous sommes engagés dans la lutte contre les changements climatiques, et notre bilan le prouve.

Je remercie mes collègues pour leur attention et je remercie la sénatrice Coyle pour sa demande. J’espère que d’autres sénateurs prendront part à cet important débat. Je vous remercie. Meegwetch.

(Le débat est ajourné.)

(1800)

Son Honneur la Présidente : Honorable sénateurs, il est maintenant 18 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je dois quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, heure où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l’heure?

Des voix : D’accord.

Le Sénat

Motion concernant un retrait possible de l’Alberta du Régime de pensions du Canada—Ajournement du débat

L’honorable Paula Simons, conformément au préavis donné le 12 décembre 2023, propose :

Que le Sénat du Canada :

1.demande à l’actuaire en chef du Bureau du surintendant des institutions financières de publier une étude actuarielle portant sur :

a)un retrait possible de l’Alberta du Régime de pensions du Canada (RPC), y compris une analyse de la viabilité du RPC après un tel retrait par l’Alberta;

b)une estimation raisonnable du coût de sortie de la part de l’Alberta dans le fonds du Régime de pensions du Canada;

c)toute autre information que l’actuaire en chef juge pertinente dans le cadre de l’étude de cette question;

2.demande au Bureau du directeur parlementaire du budget d’étudier la possibilité que l’Alberta se retire du RPC, y compris les répercussions fiscales et/ou économiques d’un tel retrait du RPC sur les Canadiens.

 — Honorables sénateurs, je propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

(Sur la motion de la sénatrice Simons, le débat est ajourné.)

(À 18 h 2, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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